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De loin en loin

Ressentis, engagements, appropriations, révoltes, doutes, certitudes, réflexions…
Un peu de littérature aussi, de philosophie, d’écriture s’il se peut, de poésie.
Et de musique, on en a tellement besoin !
C’est dans cette approximative petite lucarne que verront le jour, périodiquement,
mais irrégulièrement sans doute, mes humeurs pas toujours égales.
Et s’il se pouvait que vienne y réagir l’une ou l’autre intelligence,
je ferai le trajet de n’en être pas peureux.

Belle découverte à vous !

Confinement ou assignation à résidence et liberté surveillée ?

Partages Posted on 21 avril 2020 12 h 53 min

Je ne sais pas vous, mais moi, jour après jour,
je crois entrevoir que ce qui se révèle au cœur de ce confinement,
– censé nous avoir été imposé pour notre bien et le bien de tous
c’est ce certain glissement du sens des mots
en même temps que de celui de ce qui nous est
peut-être davantage infligé que, disons, salutairement imposé.

Ainsi, il aurait pu sembler intéressant, voire normal, naturel,
pour tout dire humain, en tous cas bienvenu,
que, confinés, nous ayons été consultés, accompagnés, aidés
et non pas surveillés, réprimés, infantilisés, menacés.

Un sentiment de solidarité sans doute, mais pas seulement,
nous aurait comme liés à la difficile décision prise par le Pouvoir
(car, ne nous leurrons pas, il ne s’agit ici que de pouvoir et non de gouvernance),
et nous aurions peut-être pu alors,
n’étant pas traités comme des gamins,
mettre dans la balance du confinement le poids de notre bienveillance.
Une espèce d’Union Sacrée, d’entente, de pacte, de Paix des Braves, en quelque sorte…

Il se trouve qu’il n’en a pas été, qu’il n’en est pas ainsi.
Le Pouvoir ne sait pas parler aux enfants. C’est définitif.
Moins encore aux adultes qu’il infantilise.
Sans doute cesserait-il, s’il y parvenait, d’être ce pouvoir arrogant
dont, à ses yeux, la nature même est d’avoir en tout raison.
Et de pouvoir dès lors imposer à tous cette raison.

Le confinement pour le bien de tous s’est tôt mué en assignation à résidence,
et nos allées et venues d’emblée confondues avec les principes de la liberté surveillée

Bientôt, nous est-il dit, un début de « déconfinement ».
Comprenne qui pourra ce mot qui doit sans doute être au confinement
ce qu’est la déconfiture à la confiture.

De quel déconfinement (progressif, comme il est dit) s’agira-t-il ?
D’un rabotage acquis de certaines de nos libertés,
mises à mal au cours de ces dernières semaines,
ou d’une restitution totale de tous nos droits ?
La mise en place pour le bien de tous de surveillances numériques
nous fait craindre le pire.
Comment le Pouvoir (ce Pouvoir-là !) pourrait-il demain se priver des privilèges
obtenus sans le moindre vote sous prétexte d’urgence ?
Comment pourrait-il opter pour une humilité qui ne lui ressemble pas
au détriment d’un autoritarisme qui,
même s’il aime à le cacher,
est sa vraie identité ?

Je ne sais pas vous, mais moi je trouve que ça ne sent pas bon la confiture.

À suivre.
Avec vigilance.



Un appel intéressant et qui concerne peu ou prou le même sujet, ICI



Autre chose.
Je vous donne à lire là ceci.
Qui nous interroge, j’imagine.

(…)
« Mais si c’était l’exil, dans la majorité des cas c’était l’exil chez soi. Et quoique le narrateur n’ait connu que l’exil de tout le monde, il ne doit pas oublier ceux, comme le journaliste Rambert ou d’autres, pour qui, au contraire, les peines de la séparation s’amplifièrent du fait que, voyageurs surpris par la peste et retenus dans la ville, ils se trouvaient éloignés à la fois de l’être qu’ils ne pouvaient rejoindre et du pays qui était le leur. Dans l’exil général, ils étaient les plus exilés, car si le temps suscitait chez eux, comme chez tous, l’angoisse qui lui est propre, ils étaient attachés aussi à l’espace et se heurtaient sans cesse aux murs qui séparaient leur refuge empesté de leur patrie perdue. C’étaient eux sans doute qu’on voyait errer à toute heure du jour dans la ville poussiéreuse, appelant en silence des soirs qu’ils étaient seuls à connaître, et les matins de leur pays. Ils nourrissaient alors leur mal de signes impondérables et de messages déconcertants comme un vol d’hirondelles, une rosée de couchant, ou ces rayons bizarres que le soleil abandonne parfois dans les rues désertes. Ce monde extérieur qui peut toujours sauver de tout, ils fermaient les yeux sur lui, entêtés qu’ils étaient à caresser leurs chimères trop réelles et à poursuivre de toutes leurs forces les images d’une terre où une certaine lumière, deux ou trois collines, l’arbre favori et des visages de femmes composaient un climat pour eux irremplaçable. » (…)


Ça date de 1947.
C’est un court extrait de La Peste de Camus.


À bientôt ?



Jusqu’ici tout va bien ?

Partages, Révoltes Posted on 14 avril 2020 11 h 43 min

Rentrer chez soi. 
On est allé acheter une baguette. Deux croissants aussi, peut-être.
Petit déjeuner en amoureux.
Imaginaire.

Se dire que tout va bien. 
Se sentir étrangement soulagé 
de n’avoir pas été interpellé (je devrais dire intercepté),
qu’on ne nous ait, cette fois encore, 
rien demandé d’où on vient, d’où on va, 
ni, si, en plus de nos papiers d’identité, 
on a une preuve du pourquoi on va là en venant d’ici 
et si on est bien celui qu’on prétend être.

Illustration : Roland Topor

Jusqu’ici tout va bien.
On est sorti de chez soi,
mais on s’est posé la question de savoir 
si on pourrait prouver que c’était bien chez soi.
On aimerait cesser d’être tendu, aux aguets.
On n’y arrive pas tout à fait.
Mais de quoi, nom de dieu, se sent-on coupable ?
Coupable de ce qu’on nous reprochera.
Parce qu’on en est là.

On est peut-être sorti d’ailleurs que de chez soi,
de chez une femme aimée, on peut rêver.
Et nous viendrait, calquée en gris, sur notre joie, 
la culpabilité de n’être pas où on en a le droit.
Le droit ?

Je n’avais donc pas le droit,
contrairement à ce qui était dit,
d’aller et venir à mon gré ?
Bien sûr que si !
Eh bien, non.

Liberté conditionnelle.
Seulement et seulement si.
Parce que, dorénavant, il y a des si.

Jusqu’ici tout va bien.
Mais il nous est dit que tout pourrait,
d’un jour à l’autre, basculer.
Alors, méfiez-vous !

On nous menace.
Mais qui donc nous menace ?
Sortir sans un sésame vérifiable est punissable. Et puni.
On nous infantilise.
Mais qui donc nous infantilise ?
A-t-on coché la bonne case sur notre attestation de déplacement dérogatoire (ces mots !) ?
On s’est trompé ? On a changé d’objectif ?
C’est punissable. Et puni.
On nous intimide. On nous humilie.
Mais qui donc ?
Ceux, sans doute, qui nous disent
que c’est pour notre bien !

Pour notre bien.
Leitmotiv prétendument irréfutable.

C’est pour leur bien qu’on sépare les amoureux ?
C’est pour leur bien qu’on isole même les plus fragiles ?
Les vieillards, les démunis, les addicts de toutes natures,
et j’en passe.
C’est pour son bien qu’on confine avec son bourreau la femme violentée ?

Jusqu’ici tout va bien.
On est sorti de chez soi,
mais on s’est posé la question de savoir 
si on pourrait prouver que c’était bien chez soi,
qu’on allait bien où on le prétendait,
que les achats de première nécessité en étaient.
Et si la laisse ne dépassait pas la longueur réglementaire.
Et si nous ne mettrons pas davantage de temps qu’il a été décidé.
Et si ce que nous faisons est autorisé ou interdit.
Par qui ?

On est inquiets.
C’est bien ce qu’ils voulaient.
Mais qui ?

Jusqu’ici tout va bien ?



Un jour après la nuit…

Partages Posted on 7 avril 2020 12 h 24 min

Illustration : Paola Piglia


Les autorités avaient ce matin-là déclaré retrouvée la “sanité” de l’air.
À la radio nationale d’abord, 
dans l’ensemble de la presse y compris télévisée ensuite.
Elles l’avaient fait – parce que ça, ça n’avait pas encore changé –
par le biais  d’un de ces communiqués volontiers ampoulés 
qui étaient la façon qu’avaient les autorités de s’autoriser une autorité.

Bref, on avait gagné,
dans le bras de fer qui nous opposait à l’épidémie,
le droit d’à nouveau librement respirer.

Les masques pouvaient dès lors être rangés,
on pourrait à nouveau se promener le nez au vent,
un bisou à la voisine, au voisin, 
ne rien éviter des embrassades, des proximités,
ne plus se méfier,
découcher, allez savoir…

Il n’y avait plus rien à craindre de l’air du temps.
Ça tombait bien, il faisait grand beau temps.
C’étaient des conditions idéales pour commencer à oublier les morts 
qui s’étaient dans les morgues entassés.
Le travail de résilience (dixit des “autorités” encore) pouvait commencer.

Alors, sortir ?
Alors, sortir.
C’est ce que, malgré son légendaire manque d’audace, 
Ferdinand Chabre décida de faire.

Et c’était vrai, 
l’air avait, semblait-il, retrouvé cette sanité évoquée par les autorités.
Il y avait un beau ciel dans le ciel
et les oiseaux étaient revenus.
En nombre, qui plus est.
Les merles chantaient, les martinets, n’en parlons pas
(et pourquoi donc n’en parlerait-on pas ?),
quelques mésanges dans un buisson fleuri aussi
s’en donnaient à cœur joie.
Et les femmes sans plus de masques avaient les jupes qui souriaient.
C’était le plein printemps,
mais avec un plus en plus.

Ferdinand Chabre se promenait,
goûtait sans mesure à cet immense et glorieux
je ne sais quoi
qui transcendait
tout ce qu’il voyait.
Jusqu’aux plus infimes choses.

Le bonheur était dans les détails.
Il croisa un groupe de policiers
sans ni casque ni armes ni contraventions même,
et qui le saluèrent,
c’est dire.
Le directeur de l’agence bancaire de la place de l’Hôtel de ville
avait installé sur le trottoir
trois transatlantiques et y accueillait ses clients
avec lesquels tout sourire il devisait.
Les étals de primeurs s’étaient tous convertis au bio…
Ferdinand Chabre n’en revenait pas.

Mais c’est la presse du matin qui lui réserva les plus grandes
et, en même temps, les plus belles surprises.
Le pouvoir avait, par décret avec effet immédiat,
interdit à la fois les riches et les pauvres,
obligeant les uns à donner aux autres ce qu’ils n’avaient pas,
jusqu’à ce qu’équilibre s’ensuive !

Mais aussi,
la pénibilité des plus durs métiers serait à l’avenir prise en compte,
les femmes se verraient remerciées, applaudies d’en être,
et la parité absolue devrait à l’avenir les rendre enfin libres de choisir,
de construire, d’inventer, au même titre que les hommes,
elles avec eux, eux avec elles,
la société mixte et tolérante à laquelle tout le monde aspirait.

Mais encore,
la vigilance se ferait aux frontières de la planète,
dans le respect non plus des États, mais des individus,
– qu’ils soient réunis en couples, en familles, en associations, en tribus –
dans leur intérêt.

Et puis,
les fleurs, les arbres, la verdure, les chats et les oiseaux
(sans que cette liste puisse s’imaginer exhaustive)
venaient d’être déclarés de première nécessité
et, en tant que tels, à protéger.

Mais surtout,
les experts financiers étaient condamnés
à mettre les coudes sur la table
et à s’enthousiasmer
du tournoiement des bras de la Grande Ourse,
en s’imprégnant de l’idée
(qu’ils ne comprenaient pas encore mais qu’un jour ils comprendraient)
que la vie n’est pas dans les cours de la bourse…
(Un poète, un jour, quelque part, avait inventé cette réquisition-là)

Cette dernière décision,
c’est dans les pages de papier rose du journal le Temps des finances
que Ferdinand Chabre, à sa grande surprise, en prit connaissance.

Sur ce, il alla,
guilleret, léger comme n’importe quelle plume,
prendre un cappuccino et un gâteau au rhum-raisins
dans la petite cafétéria au rez-de-chaussée de chez lui.

C’était un beau printemps, une belle vie.

Puis, la tête dans les étoiles,
il remonta les marches qui le séparaient de son petit appartement.
Le soir avait commencé de rosir le ciel bleu.

Ferdinand Chabre se doucha,
puis les dents,
et ces sortes de choses qu’on fait avant de, de, ou de.

Il se glissa dans son lit encore un peu défait du matin.
Il était là, qui dormait à côté de lui, pas encore réveillé,
un peu défait peut-être lui aussi..

Le soleil ne s’était pas encore levé.

Combien de jours encore à vivre confiné ?
Après avoir vérifié son stock de masques posés à côté du lit,
il se prit dans ses bras
et s’endormit.



Espoir, désespoir, ceci en contrepoint…



Nous aurions donc un avis…

Partages Posted on 4 avril 2020 17 h 09 min

On aurait un avis sur ce qui est en train de se passer.
Une épidémie, tout ça.
Et cet avis, ben oui, serait celui-ci et peut-être celui-là.
Bien en place, comme il faut.

Il se trouve qu’on n’a pas d’avis
dès lors qu’un avis suppose, quoi qu’on en veuille, une opinion…

Mais non.
Non, bien évidemment.
On n’a pas d’avis.
Ou alors un doute.
Vous savez, cette manière qu’on a d’être triste à propos d’une chose.
Ou de pas grand chose.

On n’a pas d’avis sur la maladie.
Comment pourrait-on,
quand elle se répand,
et que, se répandant,
elle échappe à ce qu’elle est initialement
pour devenir un événement ?

On regarde autrement les épidémies.
Les épidémies sont, en quelque sorte, des maladies institutionnalisées.

Il y a quelque chose de l’ordre d’une crise,
d’une guerre à mener se dit-on et nous est-il dit.
On sait, mais on fait mine d’ignorer ce qu’on sait.
On sait qu’on ne mourra pas.
Mais on tremble et on a peur.
On sait que, oui, le virus est là.
On en parle, en en sue, on en parlera.

On sait surtout que, encore une fois,
le pouvoir nous dira qu’il a mis tout en place,
qu’on a toutes les bonnes raisons d’être rassurés,
qu’il a (ce fut difficile !) trouvé une solution,
et que tout, comme avant, pourra recommencer.
Et nous serons soulagés de retrouver notre vie d’avant.
Et on se dira que oui, que oui, que oui…

Mais on aura oublié peut-être ce que voulait dire “recommencer”.
S’offrir le même infini bordel d’une soumission obstinément acceptée, voire désirée,
parce que c’est bien quand même d’avoir la paix ?

Recommencer sans rien changer ?

Et je regarde, là, au moment où je tente d’écrire,
un peu de ce ciel dans lequel semblent flotter trois oiseaux.
Je sais que, pas très loin, mais trop, respire une femme que j’aime,
mais comment on fait pour le dire ? pour le savoir même.
On ne sait pas même à quoi peuvent servir nos révoltes.

Et pourtant, ce n’est pas rien.
Recommencer.
Me (se) dire qu’il va falloir, si on veut que tout change, changer.
Y compris ma (notre) perception du danger.
D’une épidémie.

Désobéir.
Même si c’est “très cher payer”.



À l’heure où bêlent les moutons…

Amis, confluences…, Partages Posted on 27 mars 2020 10 h 34 min

Mais qui sommes-nous ?
Ou plutôt : que sommes-nous ?
Ou : que sommes-nous devenus ?




Illustration : Roland Topor


Ce soir, comme chaque soir depuis quelques jours
(depuis en fait le moment où les gens ont enfin pris conscience,
Covid 19 aidant, qu’ils en avaient grand besoin),
à vingt heures tapantes, les fenêtres s’ouvriront,
les balcons s’animeront,
il y aura des clameurs,
des clapings,
des chansons,
des déclarations d’amour.
Un artificiel barnum de bonnes intentions
adressé à ce qu’on appelle aujourd’hui,
dans un euphémisme désincarné,
le personnel soignant.

Parce qu’ils font ça maintenant, les gens.
Ils exorcisent leurs peurs en tapant dans les mains
pour dire merci à des gens pour lesquels,
il y a un mois encore,
ils n’adressaient qu’une indifférence à peine polie.

Il faut dire qu’ils ne savaient plus trop quoi en penser
avec toutes ces déclarations d’un gouvernement
qui ne faisait pas même mine de l’écouter
depuis des mois, depuis des années,
ce fameux personnel soignant.

Mais, depuis quelques jours donc,
depuis que ledit gouvernement les a confinés chacun chez soi
(je dis confinés, mais je pourrais tout aussi bien dire isolés, cloîtrés ou séquestrés),
depuis que, soudain, ledit gouvernement,
dans une funambulesque contorsion,
a déclaré sa flamme à tout ce qui porte blouse blanche,
depuis, surtout, que la peur les tenaille,
des hommes et des femmes disent, crient, chantent
merci ! à ce personnel soignant
dont ils craignent par-dessus tout d’en avoir très bientôt besoin.

Je ne dis pas que les soignants ne méritent pas ces applaudissements.
Je dis que cet élan est généré par la peur bien plus que par une réelle réflexion,
ou une réelle prise de conscience de leur importance.
Amour aussi soudain qu’intéressé donc.

On se rappelle la vague d’amour d’une même nature
dont furent l’objet les flics, ou tout ce qui y ressemblait,
aux lendemains du Bataclan.
Tous, comme par magie étaient devenus des héros.
Et, dans les rues, certains se sont pris à les embrasser !
Aujourd’hui,
tous ceux qui portent casque, casquette, matraque ou képi sont,
par les mêmes probablement, insultés quand ce n’est pas carrément caillassés.
On ne les a aimés que le temps de se rassurer,
que dans le but d’être protégés.
Amour qui ne se déclare que par besoin.

Loin de moi l’idée de mettre sur un pied d’égalité les flics et les infirmiers
– les uns trop souvent sont à l’origine des blessures soignées par les autres –
mais le soudain enthousiasme qu’ils ont pu susciter ou suscitent
me paraît un peu plus que suspect.

La reconnaissance du peuple a ses limites et, à peine née, elle songera bientôt à s’essouffler.
Le temps sans doute d’une épidémie.

Mais je bavarde.
J’avais commencé d’écrire ce billet pour introduire une tribune parue dans Libé, il y a une paire de jours.
Autrement plus documentée,
plus éloquente,
plus rageuse
que ces quelques mots que j’ai posés là.
Vitale pour tout dire.
Elle m’a été signalée par mon amie Gaëlle Boissonnard
dont j’ai déjà, ici même, relayé la délicatesse des travaux.

Merci de vous précipiter, de la lire
au départ de son blog
ou en cliquant ICI.



Une question

Partages Posted on 19 mars 2020 14 h 54 min

Et puis une autre…



Faites des femmes !

Partages Posted on 8 mars 2020 11 h 31 min

08 mars.
Journée des femmes
La belle affaire !

Comme le père Noël, le 25 décembre,
les femmes ont leur “journée”.

À la différence commerciale près
que le père Noël, bien avant Noël,
est attendu dès le mois de septembre.

On ne va pas chinoiser.

La femme,
pas besoin de l’attendre, 
elle est là, à disposition.
Elle nous est acquise.

Plus d’effort à faire.
depuis belle lurette.

À quoi bon dès lors déborder d’une petite journée ?
C’est le 8, et basta !

Les morts ont leur journée.
Les asthmatiques ont leur journée.
Les mères, les pères, les scolopendres, 
Les hippopotames en danger,
les marsupilamis gris,
les grandes marées,
les amoureux,
les laids,
les bonbons mentholés,
les moules et frites,
les stilettos,
les envies de rien,
les, les, les …

Aujourd’hui, c’est les femmes.

Et elles se plaindraient ?



Au-delà de la colère…

Partages Posted on 3 mars 2020 11 h 59 min

Au-delà de la colère, de la rage, de la révolte
(à mes yeux si compréhensibles et justifiées),
de la tribune de Virginie Despentes que j’ai relayée hier,
il m’a semblé intéressant, voire primordial,
d’en faire de même avec deux interventions sur le même sujet
(toujours dans Libération) de philosophes,
parues dans le quotidien ce matin.
Une manière de prolonger la réflexion initiée par la déchirure
de la romancière à laquelle je ne peux qu’adresser mon admiration.
Il n’est pas simple de hurler quand le silence ambiant
n’est pas seulement un silence mais un bâillon…
Il n’est pas simple de rester lucide dans la douleur.
Il n’est pas simple d’avoir du courage.
Ça n’a pas dû être simple, mais sans doute était-ce vital.
Merci !

Première contribution, donc :
Césars : ce que veut dire quitter la salle
par Fabienne Brugère et Guillaume le Blanc, philosophes

Puis :
L’ancienne académie en feu
par Paul B. Preciado, philosophe

Bonne lecture !



Rendre aux césars…

Partages, Révoltes Posted on 2 mars 2020 10 h 58 min

Je prends la liberté ce matin de relayer ici la tribune de Virginie Despentes
parue dans Libération ce lundi.
Elle fait suite à la cérémonie des césars de ce dernier samedi.
Pas plus que je ne ferai de commentaire
(mon envie de relayer ce texte a à elle seule valeur d’engagement),
je ne me suis permis de ne changer rien, pour en faciliter la lecture,
à la mise en page originelle.

À vous de voir.




“Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de 49.3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais patrons, les gros caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ? Et je ne suis certainement pas la seule à avoir envie de chialer de rage et d’impuissance depuis votre belle démonstration de force, certainement pas la seule à me sentir salie par le spectacle de votre orgie d’impunité.

Il n’y a rien de surprenant à ce que l’académie des césars élise Roman Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est grotesque, c’est insultant, c’est ignoble, mais ce n’est pas surprenant. Quand tu confies un budget de plus de 25 millions à un mec pour faire un téléfilm, le message est dans le budget. Si la lutte contre la montée de l’antisémitisme intéressait le cinéma français, ça se verrait. Par contre, la voix des opprimés qui prennent en charge le récit de leur calvaire, on a compris que ça vous soûlait. Alors quand vous avez entendu parler de cette subtile comparaison entre la problématique d’un cinéaste chahuté par une centaine de féministes devant trois salles de cinéma et Dreyfus, victime de l’antisémitisme français de la fin du siècle dernier, vous avez sauté sur l’occasion. Vingt-cinq millions pour ce parallèle. Superbe. On applaudit les investisseurs, puisque pour rassembler un tel budget il a fallu que tout le monde joue le jeu : Gaumont Distribution, les crédits d’impôts, France 2, France 3, OCS, Canal +, la RAI… la main à la poche, et généreux, pour une fois. Vous serrez les rangs, vous défendez l’un des vôtres. Les plus puissants entendent défendre leurs prérogatives : ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. Et c’est exactement à cela que ça sert, la puissance de vos grosses fortunes : avoir le contrôle des corps déclarés subalternes. Les corps qui se taisent, qui ne racontent pas l’histoire de leur point de vue. Le temps est venu pour les plus riches de faire passer ce beau message : le respect qu’on leur doit s’étendra désormais jusqu’à leurs bites tachées du sang et de la merde des enfants qu’ils violent. Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture – marre de se cacher, de simuler la gêne. Vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, ça vaut pour les exactions de votre police, ça vaut pour les césars, ça vaut pour votre réforme des retraites. C’est votre politique : exiger le silence des victimes. Ça fait partie du territoire, et s’il faut nous transmettre le message par la terreur vous ne voyez pas où est le problème. Votre jouissance morbide, avant tout. Et vous ne tolérez autour de vous que les valets les plus dociles. Il n’y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski : c’est toujours l’argent qu’on célèbre, dans ces cérémonies, le cinéma on s’en fout. Le public on s’en fout. C’est votre propre puissance de frappe monétaire que vous venez aduler. C’est le gros budget que vous lui avez octroyé en signe de soutien que vous saluez – à travers lui c’est votre puissance qu’on doit respecter.

Il serait inutile et déplacé, dans un commentaire sur cette cérémonie, de séparer les corps de cis mecs aux corps de cis meufs. Je ne vois aucune différence de comportements. Il est entendu que les grands prix continuent d’être exclusivement le domaine des hommes, puisque le message de fond est : rien ne doit changer. Les choses sont très bien telles qu’elles sont. Quand Foresti se permet de quitter la fête et de se déclarer «écœurée», elle ne le fait pas en tant que meuf – elle le fait en tant qu’individu qui prend le risque de se mettre la profession à dos. Elle le fait en tant qu’individu qui n’est pas entièrement assujetti à l’industrie cinématographique, parce qu’elle sait que votre pouvoir n’ira pas jusqu’à vider ses salles. Elle est la seule à oser faire une blague sur l’éléphant au milieu de la pièce, tous les autres botteront en touche. Pas un mot sur Polanski, pas un mot sur Adèle Haenel. On dîne tous ensemble, dans ce milieu, on connaît les mots d’ordre : ça fait des mois que vous vous agacez de ce qu’une partie du public se fasse entendre et ça fait des mois que vous souffrez de ce qu’Adèle Haenel ait pris la parole pour raconter son histoire d’enfant actrice, de son point de vue.

Alors tous les corps assis ce soir-là dans la salle sont convoqués dans un seul but : vérifier le pouvoir absolu des puissants. Et les puissants aiment les violeurs. Enfin, ceux qui leur ressemblent, ceux qui sont puissants. On ne les aime pas malgré le viol et parce qu’ils ont du talent. On leur trouve du talent et du style parce qu’ils sont des violeurs. On les aime pour ça. Pour le courage qu’ils ont de réclamer la morbidité de leur plaisir, leur pulsion débile et systématique de destruction de l’autre, de destruction de tout ce qu’ils touchent en vérité. Votre plaisir réside dans la prédation, c’est votre seule compréhension du style. Vous savez très bien ce que vous faites quand vous défendez Polanski : vous exigez qu’on vous admire jusque dans votre délinquance. C’est cette exigence qui fait que lors de la cérémonie tous les corps sont soumis à une même loi du silence. On accuse le politiquement correct et les réseaux sociaux, comme si cette omerta datait d’hier et que c’était la faute des féministes mais ça fait des décennies que ça se goupille comme ça : pendant les cérémonies de cinéma français, on ne blague jamais avec la susceptibilité des patrons. Alors tout le monde se tait, tout le monde sourit. Si le violeur d’enfant c’était l’homme de ménage alors là pas de quartier : police, prison, déclarations tonitruantes, défense de la victime et condamnation générale. Mais si le violeur est un puissant : respect et solidarité. Ne jamais parler en public de ce qui se passe pendant les castings ni pendant les prépas ni sur les tournages ni pendant les promos. Ça se raconte, ça se sait. Tout le monde sait. C’est toujours la loi du silence qui prévaut. C’est au respect de cette consigne qu’on sélectionne les employés.

Et bien qu’on sache tout ça depuis des années, la vérité c’est qu’on est toujours surpris par l’outrecuidance du pouvoir. C’est ça qui est beau, finalement, c’est que ça marche à tous les coups, vos saletés. Ça reste humiliant de voir les participants se succéder au pupitre, que ce soit pour annoncer ou pour recevoir un prix. On s’identifie forcément – pas seulement moi qui fais partie de ce sérail mais n’importe qui regardant la cérémonie, on s’identifie et on est humilié par procuration. Tant de silence, tant de soumission, tant d’empressement dans la servitude. On se reconnaît. On a envie de crever. Parce qu’à la fin de l’exercice, on sait qu’on est tous les employés de ce grand merdier. On est humilié par procuration quand on les regarde se taire alors qu’ils savent que si Portrait de la jeune fille en feu ne reçoit aucun des grands prix de la fin, c’est uniquement parce qu’Adèle Haenel a parlé et qu’il s’agit de bien faire comprendre aux victimes qui pourraient avoir envie de raconter leur histoire qu’elles feraient bien de réfléchir avant de rompre la loi du silence. Humilié par procuration que vous ayez osé convoquer deux réalisatrices qui n’ont jamais reçu et ne recevront probablement jamais le prix de la meilleure réalisation pour remettre le prix à Roman fucking Polanski. Himself. Dans nos gueules. Vous n’avez décidément honte de rien. Vingt-cinq millions, c’est-à-dire plus de quatorze fois le budget des Misérables, et le mec n’est même pas foutu de classer son film dans le box-office des cinq films les plus vus dans l’année. Et vous le récompensez. Et vous savez très bien ce que vous faites – que l’humiliation subie par toute une partie du public qui a très bien compris le message s’étendra jusqu’au prix d’après, celui des Misérables, quand vous convoquez sur la scène les corps les plus vulnérables de la salle, ceux dont on sait qu’ils risquent leur peau au moindre contrôle de police, et que si ça manque de meufs parmi eux, on voit bien que ça ne manque pas d’intelligence et on sait qu’ils savent à quel point le lien est direct entre l’impunité du violeur célébré ce soir-là et la situation du quartier où ils vivent. Les réalisatrices qui décernent le prix de votre impunité, les réalisateurs dont le prix est taché par votre ignominie – même combat. Les uns les autres savent qu’en tant qu’employés de l’industrie du cinéma, s’ils veulent bosser demain, ils doivent se taire. Même pas une blague, même pas une vanne. Ça, c’est le spectacle des césars. Et les hasards du calendrier font que le message vaut sur tous les tableaux : trois mois de grève pour protester contre une réforme des retraites dont on ne veut pas et que vous allez faire passer en force. C’est le même message venu des mêmes milieux adressé au même peuple : «Ta gueule, tu la fermes, ton consentement tu te le carres dans ton cul, et tu souris quand tu me croises parce que je suis puissant, parce que j’ai toute la thune, parce que c’est moi le boss.»

Alors quand Adèle Haenel s’est levée, c’était le sacrilège en marche. Une employée récidiviste, qui ne se force pas à sourire quand on l’éclabousse en public, qui ne se force pas à applaudir au spectacle de sa propre humiliation. Adèle se lève comme elle s’est déjà levée pour dire voilà comment je la vois votre histoire du réalisateur et son actrice adolescente, voilà comment je l’ai vécue, voilà comment je la porte, voilà comment ça me colle à la peau. Parce que vous pouvez nous la décliner sur tous les tons, votre imbécillité de séparation entre l’homme et l’artiste – toutes les victimes de viol d’artistes savent qu’il n’y a pas de division miraculeuse entre le corps violé et le corps créateur. On trimballe ce qu’on est et c’est tout. Venez m’expliquer comment je devrais m’y prendre pour laisser la fille violée devant la porte de mon bureau avant de me mettre à écrire, bande de bouffons.

Adèle se lève et elle se casse. Ce soir du 28 février on n’a pas appris grand-chose qu’on ignorait sur la belle industrie du cinéma français par contre on a appris comment ça se porte, la robe de soirée. A la guerrière. Comme on marche sur des talons hauts : comme si on allait démolir le bâtiment entier, comment on avance le dos droit et la nuque raidie de colère et les épaules ouvertes. La plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie – Adèle Haenel quand elle descend les escaliers pour sortir et qu’elle vous applaudit et désormais on sait comment ça marche, quelqu’un qui se casse et vous dit merde. Je donne 80 % de ma bibliothèque féministe pour cette image-là. Cette leçon-là. Adèle je sais pas si je te male gaze ou si je te female gaze mais je te love gaze en boucle sur mon téléphone pour cette sortie-là. Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse. C’est probablement une image annonciatrice des jours à venir. La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant. C’est la seule réponse possible à vos politiques. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule. Nous n’avons aucun respect pour votre mascarade de respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’imbéciles funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.”

Virginie Despentes, romancière



Écologie de marché.

Partages Posted on 8 février 2020 17 h 27 min

Mais que signifie encore un mot quand la réalité qu’il est censé recouvrir est dévoyée ? 

Que reste-t-il d’une conviction quand, 
telle un drapeau sans plus de couleurs, 
elle est agitée à tout instant pour nous y faire croire,
alors même que ceux qui l’agitent n’y croient qu’à peine, 
ou le plus souvent, ne font mine d’y croire
que par amer mercantilisme ? 

On doute, on a de quoi douter, on découvre à son corps défendant qu’on se méfie.

Il y a aussi ces mots qui ne coutent pas cher à prononcer
et dont on croit qu’ils nous appartiennent soudain.
Dont on sait, en tous cas,
qu’ils sont la combinaison gagnante d’un cynique Jackpot.

La protection de la planète est devenue,
au rythme des appétits des hommes et femmes de marketing,
l’obligatoire tarte à la crème de toute communication
l’argument de vente qui fait bingo.
C’est que la chose
– les financiers ne s’y sont pas trompés –
met en appétit les consommateurs,
trop contents d’être déculpabilisés
à une époque où ce fameux respect de la planète
leur est asséné,
à juste titre mais à des fins douteuses,
lors du moindre petit achat…

On nous vend aujourd’hui de l’irrespect de la planète certifié bio
avec comme suprême plus produit (comme disent les publicitaires)
… le respect de la planète.
On fait venir par avion, de Chine, d’Amérique du Sud, de Nouvelle Zélande,
au prix d’une délirante pollution,
des produits prétendument bio et respectueux de la planète !
Empaquetés plastique, bien évidemment.
On croit rêver alors qu’on cauchemarde.

Il y a, dans ce cynisme financier, une morgue (dans tous les sens du mot !)
qui ramène l’homme à son mensonge,
à son incapacité à sortir du champ de ses habitudes.
Tant et si bien, que la solution plébiscitée pour réagir à la destruction (oui !) de notre planète,
n’est rien d’autre que de consommer autrement.
Pas de consommer moins.

L’idée d’une dé-croissance n’effleure pas l’esprit de l’homo de moins en moins sapiens.

Consommons, consommons.
Les grandes enseignes (j’y reviens)
nous assurent qu’elles respectent l’environnement
(ce qui est loin d’être démontré),
nous voilà donc vertueux !

Mais que signifie encore un mot
quand la réalité qu’il est censé recouvrir est dévoyée,
disais-je en ouverture de ce billet.

Pas sûr que le blé auquel s’intéressent les grandes chaines de l’agro-alimentaire
soit celui auquel on pense quand on se promène dans les champs.
Ou quand le pain n’a pas le goût amer de l’appauvrissement des terres.

Respect de la planète ?
On respecte les morts, c’est vrai.



Il y a cette image…

Partages, Révoltes Posted on 27 janvier 2020 11 h 17 min

“Un jour, avec amour, on plumera les vautours…”
Photo Cyril Zannettacci pour Libération


Il y a cette image aux relents désespérés d’insurrection.
Il y a cet homme, vraisemblablement jeune encore,
qui se dit qu’il n’a pas le choix, qu’on ne lui en offre plus,
et qui se bat pour s’en inventer un.
Un nouveau, avec quelque part un morceau de soleil.

Il y a cette image d’un drapeau.
Un drapeau, peu importe lequel.
Pas n’importe lequel.
Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas le drapeau français,
c’est celui d’une exaspération.

L’homme, vraisemblablement jeune encore donc,
y a écrit, comme une griffe,
Un jour avec amour on plumera les vautours…

Il y a cette question de n’avoir pas le choix qui taraude.
On l’entend un peu partout.
“On n’a pas le choix…”
Il nous arrive même de la lâcher quand,
lors d’une conversation,
on veut lâchement mettre fin au débat.

Le choix, on l’a pourtant.
Et l’homme au drapeau qui rêve de plumer les vautours le sait.
C’est par choix qu’il est là, c’est par choix qu’il exprime sa révolte.
Mais ce n’est pas par choix qu’il est désespéré.
Son désespoir est le nôtre,
et ce désespoir est le choix d’autres
qui volontiers nous prennent pour des billes.

D’autres qui ont décidé, depuis certaine Dame de fer,
qu’il n’y aurait plus de choix.
There is no alternative, clamait-elle en boucle.
Plus de choix d’une autre société,
un peu moins liberticide,
un peu plus partageuse,
un peu moins injuste.

Et on y est, dans cette société sans plus de choix que la réalité violente et clivante qui nous est imposée.

Nous restent les périodiques élections, dites-vous ?

Choisir une fois tous les quatre, cinq, six ou sept ans
et entretemps fermer sa gueule ?
C’est ça, le choix qu’on nous propose ?
Choisir au “moment X” entre quelques représentants d’une identique société, sans alternative,
une démocratie en résidence surveillée,
et puis n’avoir plus à rêver que de les plumer avec ou sans amour ?

Superbe choix, société de rêve, libertés cadenassées.

Il y a cette image.
Le drapeau sera parfois différent.
Mais ce sera toujours celui de l’exaspération.
Celui du choix fait de s’opposer à ceux qui veulent brader nos libertés.
Et les vendre aux plus offrants, les GAFAM sont de très bons clients.

Cette image, on risque de la revoir souvent.
Les couleurs seront autres, le talent du photographe différent.
Et les violences policières qu’elle suscitera plus que vraisemblablement
seront à l’image de notre détresse : sans modération.
Sauf si un miracle…
Peut-on seulement encore en inventer ?



Autruches, on triche !

Et ceci ?, Partages Posted on 11 janvier 2020 14 h 59 min

Franz Kafka, Georges Orwell, et quelques autres nous ont parlé de nous.

Amoureux de dénis en tous genres,
adoptant volontiers la posture des autruches,
nous nous sommes attachés à croire qu’ils parlaient des autres,
d’une autre société vers laquelle, certes, nous dérivions sans doute,
mais n’exagérons pas tout de même, nous disions-nous,
ce n’est pas pour demain.
On était sans doute sincères ce disant,
mais on craignait surtout qu’ils aient raison, Orwell, les quelques autres et Kafka…

On sait aujourd’hui que la société hyper formatée qu’ils nous promettaient,
était déjà sur les rails.
On constate depuis quelques années qu’elle est de fait déjà en place.

La démocratie n’est plus que l’obligation que nous avons tous d’obéir.
Tous, sauf ceux à qui nous devons obéir bien sûr.

Mais nous faisons mine, à tel point que nous en perdons la conscience.

Les lois ne sont plus que les reflets écrits des constats de nos soumissions,
puisque par avance nous nous plions
aux modes, aux humeurs, aux exigences d’un pouvoir
qui n’est plus même le pouvoir tel qu’on l’imaginait,
celui pour lequel ou contre lequel on votait, non.
Les lois sont des décrets programmatiques de nos futures grégarités
édictées par les grands papes de la finance et de la consommation.

On nous avait mis en garde
(Étienne de La Boétie, entre autre, dont j’ai souvent parlé ici sur ce modeste blog),
certains continuent de nous mettre en garde
(des philosophes, des sociologues surtout,
tels Edgar Morin, Alain Badiou, Noam Chomsky, Pierre Bourdieu,…).

Mais on voit bien que les GAFAM (Google, Amazone, Facebook, Apple, Microsoft) ont,
en même temps que l’intention, les moyens de nous “suggérer
de nouvelles servitudes auxquelles nous applaudirons.
Et ce, en l’absence de toute réaction qui ne soit pas veule
des politiques “démocratiquement élus” par nous.

Trop contents de faire partie du grand club des “gagnants”,
ils n’ont pas compris qu’ils sont eux-mêmes les serviles pièces
d’un grand puzzle, de l’immense inhumanité d’un monde
dont la grégarité est celle du profit :
le monde de la finance.

Pourquoi pas l’autruche après tout ? se disent-ils probablement.

On peut penser tout ça, y réfléchir.
Mais y réfléchir ne suffira pas.
Alors, quoi ?

Ceci, pour illustrer cela :

À bientôt ?



Les migrants croiraient-ils au Père Noël ?

Partages, Révoltes Posted on 6 janvier 2020 17 h 49 min

D’où vient que certain Père Noël, cette année, nous fasse honte ?

Je découvre la dernière et subliminale « pèrenoëlerie »
télévisée et cinématographiée de Coca-Cola,
exercice obligé depuis presque toujours pour le bien-pensant géant d’Atlanta.

On n’est pas déçu.
Toujours les mêmes bons sentiments.
Le Père Noël,
la petite famille middle-class bien blanche, bien comme il faut,
deux enfants bien sûr, et, oh surprise ! il s’agit d’un garçon et d’une fille !
Sourires béats, joies de l’entre-soi.
On attend un invité.
La famille modèle, quoi.
C’est du Walt Disney.
Ça dégouline d’évidence.



Pas besoin de la bande-son, elle dit ce qu’on ne voit pas,
mais que la multinationale veut nous faire croire.
Elle dit sans jamais l’avouer,
semblant s’émouvoir de la situation des migrants,
(le Père Noël lui-même en serait un, sauf que, ceci dit au passage, lui, on l’attend…)
à quel point elle a en elle
le gène de la manipulation,
et qu’il n’est pas honteux de tondre sur le dos des désespérés
la laine qui nous fait progresser
(comprendre : qui nous fait gagner des parts de marché).


Une certaine droite, très à droite, se déclare scandalisée.
Valeurs actuelles (actuelles, tu parles !) juge que Coca-Cola veut,
au travers de cette nouvelle campagne,
et c’est une honte, disent-ils,
favoriser l’accueil des migrants (je crois rêver) !

Ils viennent de quelle planète ces trolls-là pour dire telles inepties ?
Comme des vendeurs d’aspirateurs,
ils posent le pied pour empêcher la porte de se refermer.
Et cette porte, c’est justement celle qu’ils craignent par-dessus tout :
celle qui reste ouverte.
Paradoxe. Entendre sans jamais écouter. Et inversement.
Encore une fois, ils se trompent de combat mais,
ce faisant, ils font bien des dégâts !


Coca-Cola – ni gauche ni droite, donc droite, intérêts financiers avant tout, c’est tout –
n’a que faire des migrants.
Sauf qu’ils sont une belle source d’apitoiement
pour une société dont la multinationale est un des piliers,
ce néolibéralisme à contre-courant de la fraternité
à laquelle veulent nous faire croire les communicants de
la brune et chimique boisson.
Une fraternité, une solidarité désintéressée
qui n’existe que quand il s’agit de vanter et de vendre
un Père Noël
devenu VRP du grand capitalisme
… aux dépends des migrants justement.
Je me trompe ?


Alors, alors,
ceci, que nous vous proposons
pour tenter de dégager du subliminal un cynisme
qui s’offre sans efforts les atours d’une nouvelle morale
mais ne se préoccupe d’aucune éthique…

On a gardé la bande-son.


Sans aucune illusion,
mais sincèrement,
Belle année lucide à vous !



Toujours recommencée

Partages Posted on 30 décembre 2019 18 h 56 min



Elle est là qui s’essouffle.
Elle en a un peu par-dessus la tête de ce qui lui est passé sur le dos.
Elle ne demande qu’à dormir, qu’à aller se répandre ailleurs.

Au moment de mourir, épuisée, elle sait déjà, qu’elle renaîtra.
Ça ne lui procure aucune joie,
seules celles peut-être de l’espoir du jour où, 
Phénix fatigué, à nouveau, elle s’ébrouera.

Et où tout le monde,
vous, toi et moi, 
nous nous la souhaiterons, belle.
Sans trop d’espoir. 

Mais sait-on jamais, se dira-t-on.
Comme tous les ans.
Avec une innocence à chaque fois renouvelée.

Ce qui reste de pureté.


Belle, on vous la souhaite belle, sincèrement, cette année.

Elle est entre nos mains.
Qu’en ferons-nous ?

À tout bientôt.

Laissez-moi déjà vous présenter ceci :

Est-ce bien normal de demander à cette merveille-là
de protéger celle(s)
que nous n’avons fait que détruire ?
Celle(s)-ci :

Belle année à nous tous !

Sincèrement



Un peu décalé ? Inhabituel sur ce blog surtout.

Partages Posted on 23 décembre 2019 16 h 16 min

Inhabituel, sur ce blog, de proposer une tranche de détente, voire de rire.

Et pourtant, tout attaché que je suis à la plus grande laïcité,
je voudrais profiter de cette « trêve des confiseurs » pour vous proposer
quelques minutes d’un rire franc (et décalé).
Un peu de sel et d’esprit qui ne soit pas ce qu’on appelle benoîtement l’esprit de Noël,
mais nous permette d’y penser… avec distance.
Un conte de Noël distancié et transgressif, en quelque sorte…

À vous, belle fête de Noël, donc !


Belle soirée. Et à bientôt ?



Quoi, ma gueule ?

Partages, Révoltes Posted on 23 décembre 2019 16 h 08 min

Enki Bilal
“Bug”


On n’arrête pas le progrès ? Rassurez-vous, c’est lui qui bientôt nous arrêtera.
Au propre comme au figuré.
À moins, bien sûr, que nous reprenions la main…

Je relaie ici une lettre commune rédigée, sous le titre “Interdisez la reconnaissance faciale sécuritaire”, et cosignée par un grand nombre d’associations – et non des moindres…

Je vous la donne à lire :

Lettre commune de 80 organisations, dont l’Observatoire des libertés et du numérique dont la LDH est membre

Nous, organisations, collectifs, entreprises, associations et syndicats, demandons au Parlement et au gouvernement français d’interdire tout usage sécuritaire de dispositifs de reconnaissance faciale actuels ou futurs.

Nous constatons que de telles technologies sont aujourd’hui déjà largement déployées en France. Outre les portiques « Parafe » présents dans plusieurs aéroports et gares, le fichier de traitement des antécédents judiciaires permet depuis 2012 à la police et à la gendarmerie de recourir à la reconnaissance faciale à partir d’images prises dans la rue par des caméras, ou encore obtenues sur les médias sociaux. D’autres expérimentations ont déjà été menées ou sont programmées.

La multiplicité des dispositifs déjà existants, installés sans aucun véritable encadrement juridique, transparence ou réel débat public, ne satisfait pourtant pas nombre d’acteurs publics et industriels. En se fondant sur le fantasme d’un développement inéluctable de la technologie et sur des arguments purement sécuritaires et économiques, ils souhaitent accélérer et faciliter le déploiement de ces dispositifs, au détriment des conséquences pour nos libertés et notre modèle de société.

La reconnaissance faciale est une technique exceptionnellement invasive et déshumanisante qui permet, à plus ou moins court terme, la surveillance permanente de l’espace public. Elle fait de nous une société de suspect·es. Elle attribue au visage non plus une valeur de personnalité mais une fonction de traceur constant, le réduisant à un objet technique. Elle permet un contrôle invisible. Elle impose une identification permanente et généralisée. Elle abolit l’anonymat.

Aucun argument ne peut justifier le déploiement d’une telle technologie : au-delà de quelques agréments anecdotiques (utiliser son visage plutôt que des mots de passe pour s’authentifier en ligne ou activer son téléphone…), ses seules promesses effectives sont de conférer à l’État un pouvoir de contrôle total sur la population, dont il ne pourra qu’être tenté d’abuser contre ses opposant·es politiques et certaines populations. Puisque l’utilisation de la reconnaissance faciale à des fins sécuritaires est par essence disproportionnée, il est vain d’en confier l’évaluation au cas par cas à une autorité de contrôle qui échouerait en pratique à suivre chacune de ses nombreuses nouvelles applications.

C’est pourquoi nous vous demandons d’interdire tout usage sécuritaire qui pourrait en être fait. De telles interdictions ont déjà été décidées dans plusieurs villes des États-Unis. La France et l’Union européenne doivent aller encore plus loin et, dans la lignée du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), construire un modèle européen respectueux des libertés.

Il conviendra par ailleurs de renforcer les exigences de protection des données à caractère personnel et de limiter les autres usages de la reconnaissance faciale : qu’il s’agisse d’authentification ou d’identification privée, l’ensemble de ces dispositifs ne sont pas assez protecteurs des atteintes à la vie privée ; ils préparent, et banalisent une société de surveillance de masse.

Nous appelons à l’interdiction de tout usage sécuritaire de la reconnaissance faciale.

Paris, le 19 décembre 2019



Téléchargez la lettre au format pdf (et partagez-la) en cliquant ici.

Visitez le site de la Ligue des Droits de l’Homme (LdH) ici.


Liste des premiers signataires :

Abilian – ACAT France – Access Now – Action Droits des Musulmans – Altairis – Antanak – Article19 –
Association Dédale – Association for Progressive Communications – Association forCivil Rights (ADC) –
Assodev-Marsnet – ATTAC France – Bee-home – BEhAV Consulting & Coaching – Cerveaux non disponible –
CECIL – Cliss XXI – CNLL – Comité local ATTAC du 78 Sud – CREIS Terminal – DAL (Droit Au Logement) –
Electronic Frontier Foundation (EFF) -Emmabuntus – Entr’ouvert – FACil – FAIbreizh –
FDN – Fédération nationale des Arts de la Rue – FFDN – Framasoft – Franciliens.net – Genepi – Génération.s – GISTI – Globenet – Happyculture -Hermes Center – Hoga – Icare (UVSQ) – Illyse – In Memoris Fondation –
Indie Hosters – INP-net – Internet Bolivia – IP Solution – L’Auberge des Migrants – La Boussole – La Cimade –
La Quadrature du Net – Le groupe parlementaire LFI – Le Mouton Numérique – Le Parti Communiste Français –
Les Tilleuls.coop – Ligue des Droits de l’Homme – Lorraine Data Network – Mailden – Mailo –
Mouvement Ecologiste Indépendant – Mycélium – Numericatous – Observatoire des Libertés et du Numérique – Ouvaton – Parti Pirate – PLOSS Auvergne Rhône-Alpes – ReAct – Résistance à l’Agression Publicitaire – ritimo – Root66 – Sherpa – Solidaires Informatiques – Sursiendo (Chiapas, México) – Syndicat de la Magistrature –
Syndicat des Avocats de France – Tech Trash – Technologos – Technopolice – Toile-Libre –
Union Syndicale Solidaires – Usuarios Digitales de Ecuador – Vanoix – Vélorution Paris Île-De-France



Vivre sa vie une dernière fois…

Partages Posted on 16 décembre 2019 16 h 29 min



On se demande,
bien sûr on se demande quelle est la couleur du sommeil des anges.
Pas vous ?

Anna Karina
(dans Vivre sa vie de Jean-Luc Godard)
22 09 1940 / 14 12 2019


On se souvient d’elle, filmée par JLG, dans Vivre sa vie.
Mais pas seulement.
Personne ne l’a jamais filmée comme ça.
Il y fallait de l’amour
– mais ça ne nous regarde pas –
en plus de ce génie si particulier que Godard a toujours inventé.

Il y avait aussi cette émotion de tous les instants,
comme une espèce de fragilité prise au piège d’une incertitude
dont elle ne parvenait pas à se libérer.

Et ça donnait cette drôle de chansonnette
qui a illuminé toute la Nouvelle vague.

Son accent venu d’ailleurs,
les doutes posés au hasard d’une voix assez peu maîtrisée
(mais qu’est-ce qu’elle était belle, cette voix-là !)
quand elle serinait, lasse, dans Pierrot le fou,
Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire !”,
on avait envie,
comme Pierrot (Belmondo),
de lui demander de se taire.

Aujourd’hui,
c’est une autre affaire




J’en parlerai ici plus longuement plus tard.
Tout bientôt.


(mais, quand même, ceci déjà, un peu de filmographie,
puisque une déclaration d’amour jamais ne suffira)
merci à Libération



Glissements progressifs du mépris (2/2)

Partages, Révoltes Posted on 8 décembre 2019 16 h 16 min

Sagesse ou brutalité ?
L’alternative est proposée comme si elle était une évidence à laquelle on puisse sincèrement se référer.

Qu’en est-il de la brutalité se prétendant sagesse ?
Qu’en est-il de cette brutalité quand
elle ne se vit plus que comme une incontournable manière de penser,
et donc de gouverner ?

Quand la pensée oublie de penser, existe-t-elle ?
Et celui qui ainsi croit penser a-t-il quelque légitimité à prétendre “nous guider” ?

Le pouvoir, aujourd’hui est un Amphitryon qui tour à tour veut séduire et mater.
C’est le fameux “en même temps” qui est le « badge »
de celui qui n’arrive pas à se décider,
mais qui sait comment nous enfumer…

Pour séduire il a sa frêle et faux-derche séduction.
Il ne se contente pas de sa puissance,
il se veut à la fois Dom Juan et Sganarelle. On ne sait jamais…
Il se prétend moderne et ne répète
– parce qu’il se répète un peu plus que souvent –
qu’un médiéval discours fait de supériorités et de clivages.

C’est sa langue qui, parlant bien mais toujours oblique, le révèle.
Et ça donne ces glissements sémantiques
qui font dire à une chose ce qu’elle ne voulait signifier.
Ne pouvait. Mais qu’importe.
Et ça donne ces manipulations vulgaires des valeurs auxquelles
on fait mine de croire (mais pas trop si on y pense).
Et ça donne ce langage muet et sous-entendu,
une langue de bois qui se persuade qu’elle est drôle.

Et, suivant une logique de banalisation chargée de plaire à tous,
un militant des Droits de l’homme devient,
dans cette langue faite de dérision et de mépris,
et de “je sais de quoi de parle”,
et de “ne vous laissez pas avoir”,
un « droit-de-l’hommiste” !
(On a emprunté – est-ce vraiment un hasard ? – à Jean-Marie LePen cette dénomination…)
Substantivisation” méprisante destinée, on le devine,
à dénigrer l’importance des “valeurs” auxquelles on a,
une fois au pouvoir, renoncé.

Et, comme par un effet de dominos,
s’en sont suivies les relativités amenant au cynisme,
d’abord langagier, mais ça ne saurait suffire, de cette dérision affichée :
Les convaincus des droits de l’homme ?
Des droits-de-l’hommistes.
Mépris.
Les inquiets du tiers-monde ?
Des tiers-mondistes.
Mépris.
Les convaincus que la terre est plate .
Des terreplatistes (!)
Mépris.

Croit-on vraiment qu’en humiliant, qu’en abaissant,
on rassemble ?
Le but, sans doute n’est-il pas celui-là.

Sans doute donne-t-il ceci :

Belle découverte à vous !

À bientôt



Regarder des pans de passé, les yeux tournés vers l’avenir.

Partages Posted on 4 décembre 2019 8 h 52 min

May b.
Maguy Marin


Je me souviens du “Je me souviens” de Georges Perec.

Il y avait là comme une intense folie du rien qui n’en finissait pas de se dire.
Mieux : de se raconter.

Je me souviens de ce comédien inoubliable, Samy Frey,
disant le texte de Perec, sur un vélo,
sur un câble tendu par-dessus une scène de théâtre (c’était à l’Opéra comique, je crois)
et qui disait, entre autres somptueuses banalités :

Je me souviens du silence
qui accompagnait le défilé des dissidents chinois sur les Champs-Élysées
le 14 juillet 1989 peu après les événements de Tiananmen.

Et puis :
“Je ne me souviens pas du moment de ma naissance.”

Et puis :
Je me souviens de l’annonce de la mort de Brassens.
Je me souviens des papiers peints
où d’énormes formes géométriques oranges et jaunes
s’épanouissaient sur fond noir ou marron.”
Je me souviens du jour de la mort de Jacques Prévert,
mais plus de quel jour c’était précisément.

Et puis, et puis, et puis…

Je me souviens d’un soir, dans les années 80,
à Bruxelles, où je vivais alors et où,
au Palais des Beaux-Arts,
je fus secoué, comme en amour on peut l’être,
par la découverte d’une tellurique authenticité.
Un ballet désobéissant qui m’apparut comme une naissance.

Dans une petite salle feutrée, contrite et bourgeoise,
je rencontrais à la fois Beckett, Artaud et une soif aride de vérité.

C’était Maguy Marin, alors jeune chorégraphe.
C’était May B.
C’était un regard profond sur ce que nous sommes,
sur nos limites, sur nos envies,
sur notre parfois splendide pauvreté.
C’était et c’est toujours Maguy Marin.

Se souvenir. Mais sans regret. Sans nostalgie.
Pour prendre la mesure du temps.
De ce qu’il nous reste à faire de ce beaucoup-là.


Un coup d’œil ci-dessous.






On s’en parle ?


PS.: May B est repris ce 07 déc au Théâtre de l’Oliver à Istres
PS2: Pour connaître les dates et lieux de la tournée 2020, c’est ici.



Glissements progressifs du mépris (1/2)

Partages, Révoltes Posted on 29 novembre 2019 10 h 56 min

Peut-être se sont-ils demandés comment faire de la langue leur plus sûr allié.
Quitte à la soumettre aux caprices de leur ironie,
quitte à lui faire dire n’importe quoi pourvu que ce n’importe quoi les agrée.
Peut-être se sont-ils posés la question de comment faire dire à un mot
tout ce qu’ils méprisent de ce qu’il signifie, de ce qu’il contient de sens. 

Peut-être est-ce dans ce but-là qu’ils ont créé
ces “éléments de langage”,
ces chapelets de mots vidés de tout leur sens
– mais qu’il est bon de répéter à la manière vide des slogans –
et qui sont ceux de la langue de bois faite de copeaux de vérité,
des cendres précoces, rien de plus.

Ça a donné de ces rodomontades qu’on ose à peine rappeler.
Il en est une, emblématique, mais elle n’est que la tête d’un troupeau.
Le 7 mars 2019, Macron, plus sûr de lui que jamais, clame :
Ne parlez pas de répression ou de violences policières,
ces mots sont inacceptables dans un État de droit”

(Des violences policières, de la répression, il y en a à la pelle
sous cette macronienne république.
Et je n’en rappellerai ici ni la récurrence des témoignages ni leur nombre…
Seulement, voilà, les témoignages n’ont, face à la langue de bois,
que si peu de poids…
)

Peut-être que, effectivement, ces mots-là,
dès lors qu’ils témoignent d’une vérité,
sont inacceptables dans un État de droit.
Mais ce ne sont pas eux qui choquent,
ce sont les méfaits qu’ils dévoilent et montrent du doigt
– on leur en sait gré.
Parce que, quoi ? il suffirait de les taire pour que s’en trouve renforcé cet État de droit ?
Et suffirait-il de les prononcer pour qu’on en soit exclu ?
Si oui, c’est qu’il a des pieds d’argile, cet État de droit.

Il y a cette espèce de bouche en cul-de-poule qui prétend ne jamais mentir
et qui a quelque chose du scorpion.
Nos “dirigeants” s’affublent volontiers de ces hypocrites atours-là
quand ils nous assènent ceci ou cela
et que ni cela ni ceci n’est la vérité…

À l’heure où les violences policières sont
– par le biais d’un mensonge déconcertant*,
aussi bien que par une autiste tautologie –
niées
(il ne saurait y avoir de violences policières dans une État de droit.
Nous sommes dans un État de droit.
Donc, les violences policières n’existent pas),
on ne peut que constater que la vérité officielle n’est qu’un enfant
fait dans le dos de la réalité
et qu’il s’appelle mensonge d’État.

La force du pouvoir aujourd’hui
– mais la chose n’est pas si nouvelle que ça, hélas –
est sa cynique organisation.
Il sait qu’il suffit de tourner en dérision ce qui est l’âme des idées
qu’il s’était pourtant engagé, aux seules fins de se faire élire, et qui l’ont fait élire,
à mettre en place. 

Peut-être hélas, la vulgarité aidant, ont-ils (ces gens-là, de pouvoir)
réussi à faire dire à une cohorte de mots
à la fois ce qu’il sont et le mépris dans lequel ils les tiennent.

Et, pour ce faire, ils ont déployé un petit, tout petit arsenal
fait de condescendance, d’indifférence, de cynisme.
Un de ces cocktails dans lesquels ils sont passés maîtres.

Ce faisant, ils ont consciencieusement passé au laminoir de leur arrogance
les plus belles idées, les plus généreuses – les plus irréalistes sans doute aussi
(mais n’est-ce pas la gloire en même temps que la contradiction de l’homme
que de pouvoir s’offrir des idées farfelues ?)



(à suivre)

* Le mensonge en question, c’est celui qui est asséné de manière tellement péremptoire – et fallacieuse – qu’il en vient à déconcerter celui qui l’entend. L’auditeur, en effet, a du mal à concevoir comment on peut proférer des faussetés aussi évidentes et massives en piétinant les règles élémentaires de la logique et du respect des faits – sans lesquelles il n’y a plus de discussion possible – en comptant sur la crédulité du public non-informé.

(merci à Laurent Joffrin du journal Libération pour cette information)




Imaginons. Une pause.

Partages Posted on 25 novembre 2019 16 h 46 min

Ce qui est confortable dans cette “année Beethoven”, précocement appelée telle (on n’est pas encore en 2020, année du 250ème anniversaire de sa naissance – le 16 décembre 1770 –, mais les nécessités commerciales n’ont de mémoire que le futur, pourvu qu’il sonne et trébuche), c’est cette gourmandise de niaiseries énoncées les unes après les autres, quand ce n’est pas avant.

Radios, magazines, télévisions, tout le monde, au garde à vous, est sur le pont, prêt à nous servir l’obligatoire plat du jour : “Beethoven était un génie !« .
Voilà une information qui ne manque pas de sucre. Personne, jusque-là n’avait entrevu le génie de ce génie-là, c’est sûr. Et cette information nous éclaire à un point qu’on n’imaginait pas.

On nous apprend quantité de ces choses dont nous avions grand besoin pour appréhender qui la septième, qui la neuvième, qui Fidelio, qui les seize quatuors (au passage, celui qui pourra en parler, de ces seize-là, n’est pas encore né. Du reste à quoi bon en parler ? C’est comme parler du soleil, ça ne l’empêchera pas d’être à la fois central et indissociable de notre survie, alors ?)

Ce qui énerve dans toute cette déplaisante gaudriole, dans cette procession de “savoirs” qui volontiers nous dictent ceci ou cela de ce qu’il convient de savoir de Ludwig van, c’est l’absence. Pas l’absence du héros, non ! L’absence de la moindre réflexion.

Il n’empêche, écoutons plutôt.


LVB
Quatuor à cordes n° 8 en mi mineur op. 59 – II. Molto adagio
par le Quatuor Tchalik



Sans image


sans profonde réflexion


sans prétention


Comme ça,
c’est tout.



« Un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers. »

Partages, Révoltes Posted on 7 novembre 2019 15 h 55 min

C’est une colère, une colère immense, quasi sismique.
Un texte bref mais sans qu’un seul mot y puisse être ajouté;
je parle de Contre ! de Henri Michaux.

Loin de moi l’envie de jouer aux critiques littéraires.
Le voudrais-je que mon usurpation sauterait aux yeux, même des plus profanes,
tant il est vrai que ce n’est que l’émotion
– et non pas une quelconque science des lettres et des mots –
qui me mène à évoquer ici ce texte, je devrais dire ce refus.

C’est qu’il y a là, me semble-il, dans cette colère de Michaux,
toute rassemblée dans la chair même de chaque mot,
qui jamais n’est que du verbe,
arrachée aux poumons, à la voix qui voudrait vivre,
une révolte qui ne peut que me faire penser – et avec quelle acuité ! –
aux mouvements désespérés qui ébranlent, un peu partout dans le monde,
les arrogantes certitudes des systèmes liberticides imposés aux peuples…

Ce n’est certes pas l’objectif que poursuivait Michaux,
bien plus métaphysique,
mais ma pensée, ici, fonctionne par analogie,
pas par souci d’analyse littéraire.

Qu’on veuille bien me pardonner.

Henri Michaux
Le Silence du monde


Contre ! (*)

Je vous construirai une ville avec des loques, moi !
Je vous construirai sans plan et sans ciment
Un édifice que vous ne détruirez pas,
Et qu’une espèce d’évidence écumante
Soutiendra et gonflera, qui viendra vous braire au nez,
Et au nez gelé de tous vos Parthénons, vos arts arabes, et de vos Mings.
 

Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard
Et du son de peau de tambour,
Je vous assoirai des forteresses écrasantes et superbes,
Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses,
Contre lesquelles votre ordre multimillénaire et votre géométrie
Tomberont en fadaises et galimatias et poussière de sable sans raison.
Glas ! Glas ! Glas sur vous tous, néant sur les vivants !
Oui ! Je crois en Dieu ! Certes, il n’en sait rien !
Foi, semelle inusable pour qui n’avance pas.
Oh ! Monde, monde étranglé, ventre froid !
Même pas symbole, mais néant, je contre, je contre,
Je contre et te gave de chiens crevés,
En tonnes, vous m’entendez, en tonnes, je vous arracherai ce que vous m’avez refusé en grammes.

 
Le venin du serpent est son fidèle compagnon,
Fidèle, et il l’estime à sa juste valeur.
Frères, mes frères damnés, suivez-moi avec confiance.
Les dents du loup ne lâchent pas le loup.
C’est la chair du mouton qui lâche.

 
Dans le noir nous verrons clair, mes frères.
Dans le labyrinthe nous trouverons la voie droite.
Carcasse, où est ta place ici, gêneuse, pisseuse, pot cassé ?
Poulie gémissante, comme tu vas sentir les cordages tendus des quatre mondes !
Comme je vais t’écarteler !


(*) Henri Michaux, « Contre ! », La Nuit remue (1935)

Henri Michaux
La paresse


Henri Michaux
1899 – 1985
photo David Bueno



À bientôt ?



Un mot pour un autre ?

Partages Posted on 7 octobre 2019 16 h 51 min

Je me rappelle Jean Tardieu.

On avait cet âge-là où on “faisait du théâtre” au lycée ou ailleurs, dans une quelconque Académie d’art dramatique, je ne sais plus trop bien. Et on s’emberlificotait dans les mots tronqués de cette courte pièce “Un mot pour un autre”, de Jean Tardieu, qui, dans son titre, semblait dire tout ce qu’on pouvait attendre d’un comique né d’erreurs langagières, de contrepèteries et autres facilités qu’offre aux naïfs la langue quand elle commence à faire mine de penser.

C’était sans danger, c’était ludique, c’était même, croyait-on, innocent.
Et ça avait beaucoup ri lors des quelques représentations données je ne sais plus trop où.

On était rentré chez soi léger, content de sa soirée, on esquissait çà et là quelque jeu de mots né de l’ivresse du rire et de la représentation.
Ça faisait du bien de ne pas se prendre la tête avec les mots.

On avait quinze, seize, dix-sept ans.

On avait l’âge où se tromper n’avait ni trop de sens ni trop de conséquences.
On improvisait la langue.

Vinrent ensuite la réflexion, les tentatives de connaissance, la philologie, la philosophie, la sémantique, que sais-je ? pour certains.
Vint aussi le besoin – pour que les choses existent telles qu’on aimerait croire et dire qu’elle sont – de choisir, après réflexion, le mot; celui qui à lui seul suffira (croit-on en tous cas).

On découvre qu’un mot, s’il est pris pour un autre, ne se représente plus; qu’il veut dire ce que cet autre mot signifie.
On découvre dès lors l’unicité du mot qui, même si elle semble relative, ne peut, faute d’être à dessein utilisée, être remplacée par une approximation (pour une antinomie, c’est pire encore) qui ferait de son sens un sens dégénéré.

Et pourtant.
On a, lentement mais inexorablement, pris conscience, qu’un mot – le moindre même – est une responsabilité.


Je reçois aujourd’hui, de mon ami Jehan, de temps à autres présent ici dans les commentaires de ce blog, une information que je relaie d’autant plus volontiers qu’elle touche de près certaines des préoccupations qui sont le moteur de ce même blog.


Cette information donc :

« Un collectif d’écrivains et d’essayistes, parmi lesquels Erri De Luca, Philippe Sands ou Roberto Saviano, s’indigne dans une tribune au « Monde » de la dénomination d’un commissariat « pour la protection de notre mode de vie européen » qui distille, selon eux, l’image d’une « Europe forteresse » et, avec elle, l’idée de peur.« 


« Madame la Présidente, les mots font l’Histoire.

Entre les frasques tragicomiques du président américain et les échos d’une saga du Brexit aussi burlesque qu’inquiétante, nous est parvenu l’organigramme de la nouvelle Commission européenne établie sous votre égide de Présidente. On nous dit, Madame von der Leyen, que vous avez pris soin de choisir précieusement les dénominations de chaque Commissariat et de ses missions.

Vous connaissez donc le poids des mots. Nous sommes dès lors d’autant plus indignés de voir l’ancien nom de Commissaire pour la Migration, les Affaires intérieures et la Citoyenneté devenir celui « Pour la protection de notre mode de vie européen ». Dans cet intitulé, chaque mot ou presque dit quelque chose que nous, lauréats du Prix du livre européen remis au Parlement européen depuis sa création en 2007, romanciers et essayistes attachés aussi profondément que lucidement à l’idée européenne, ne pouvons que réprouver.

Parler de « protection » appelle dès l’abord à la défensive, comme s’il fallait, dans une Europe transformée en forteresse, nous défendre contre une invasion extérieure. Vous ne faites là, Madame, que la courte échelle aux individus qui font commerce de ce fantasme et aux mouvements qui prospèrent sur la peur des peuples. Peur de qui ? Pour protéger quoi ? Un esprit ? Une âme, pour autant qu’on puisse en définir les contours européens ?

Non, même pas : vous entendez garantir « notre mode de vie européen ». On est troublé en pensant au terme « notre », qui s’érige face à un « leur » indistinct et étranger. On frémit en lisant celui de « vie » quand, chaque jour et chaque nuit, en Méditerranée et aux frontières de l’Europe, meurent des femmes et des hommes abandonnés à leur sort et à notre incurie. Et on est heurté en voyant s’afficher, comme en étendard ou sur un placard publicitaire, les mots « mode de vie » ou « way of life » ! Pourquoi pas « notre confort de vie » ?

Nous voulons, Madame la Présidente, parler, nous, de culture, la culture qui fait partie des attributions du même commissaire Margaritis Schinas, aux côtés du sport, de la sécurité et de la migration. Nous voulons parler, nous, d’ouverture, de dialogue et d’échange. D’humanisme, cet humanisme qui, en dépit des horreurs dont l’Europe a été coupable à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières, a imprégné sa pensée au cours des siècles. Nous voulons nous projeter vers l’extérieur et l’avenir et non nous replier, frileux, à l’intérieur de nos frontières et sur un passé que l’on mythifie à force de craindre sa disparition.

Les mots font l’Histoire, Madame la Présidente. Nous ne vous souhaitons pas d’entamer votre mandature lestée du poids de mots sinistres qui renvoient aux pires démons de l’Europe. Nous attendons avec confiance le changement de dénomination du Commissariat de M. Schinas. Et nous nous tournons vers le Parlement européen pour refuser à la plus grande majorité possible le nom actuel. Parce que les mots peuvent nous sauver. Ou nous perdre. »


Un mot pour un autre ?
Une intention davantage qu’un mot, sans doute.



À bientôt ?



15 09 1945 / 30 09 2019

Partages Posted on 5 octobre 2019 10 h 01 min

J’écoutais, l’autre jour, cette voix venue d’on ne sait quel astre où ne vivrait aucun accident.

Je l’entendais chanter :

O Mensch ! Gib Acht !
Was spricht die tiefe Mitternacht ?

« Ich schlief, ich schlief —,
aus tiefem Traum bin ich erwacht : —
Die Welt ist tief, und tiefer als der Tag gedacht.
Tief ist ihr Weh —,
Lust — tiefer noch als Herzeleid.
Weh spricht : Vergeh !
Doch all’ Lust will Ewigkeit —,
— will tiefe, tiefe Ewigkeit ! »


Jessye Norman
(Photo : Anatol-Kottelaif)


«Ô homme prends garde !
Que dit minuit profond ?
J’ai dormi, j’ai dormi -,
D’un rêve profond je me suis éveillé : —
Le monde est profond,
Et plus profond que ne pensait le jour.
Profonde est sa douleur -,
La joie — plus profonde que l’affliction.
La douleur dit : Passe et finis !
Mais toute joie veut l’éternité —
— veut la profonde éternité ! »


C’était Jessye Norman, immense soprano (mezzo aussi) qui, au travers de la musique de Mahler me chuchotait – et de quelle somptueuse manière ! – le Chant de minuit, extrait de l’Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche, admirablement « mis en musique » par Gustav Mahler.

Et je me disais que, pas plus que de la lecture de Nietzsche, pas plus que de la tellurique musique de Mahler dans cette troisième symphonie, on ne sortirait indemne de l’interprétation (mais j’ai honte d’utiliser cet artificiel mot-là !) de Jessye Norman.

Parce que ce que chante Jessye Norman des œuvres qu’elle nous livre, ce sont les “dangereux peut-être”, comme aurait dit Nietzsche justement, jamais les certitudes – qui ne sont à tout casser qu’un besoin d’obéissance. Même si sa voix, sa puissance, son incroyable étalement de la respiration dans le temps en même temps que sa technique définitive, semblent nous dire que sa force ne naît pas d’un doute, mais d’un irréversible constat.

La voix, je n’en parle même pas (panne de superlatifs)… L’intelligence…

Mais je bavarde quand il faudrait se taire et écouter.

Deux propositions d’écoute, pour se souvenir (déjà !) des merveilles du doute Normanien, et de sa réticence aux certitudes.
(le temps de téléchargement dépend de votre connexion)


[mp3j track= »https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2019/10/Mahler-Das-Lied-Von-Der-Erde-Der-Einsame-Im-Herbst-Davis-Norman.mp3″ title= »Mahler » fontsize= »15px » flip= »y »]Gustav Mahler
Das Lied von der Erde (Der Einsame im Herbst)
Jessye Norman, soprano
London Symphony Orchestra
Sir Colin Davis, direction
(Philips 411 474-2)


[mp3j track= »https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2019/10/Strauss-Vier-Letzte-Lieder-3.-Beim-Schlafengehen-Masur-Norman.mp3″ title= »Strauss » fontsize= »15px » flip= »y »]Richard Strauss
Vier Letzte Lieder (3. Beim Schlafengehen)
Jessye Norman, soprano
Gewandhausorchester Leipzig
Kurt Masur, direction
(Philips 411 052-2)



À bientôt ?



Peur, récurrence, peur. Et puis quoi ?

Partages Posted on 15 septembre 2019 16 h 58 min

Il y a, qui nous vient de plus en plus certainement quand il s’agit de la chose politique et des pouvoirs qui nous gouvernent, comme une idée de chaos. Et on se dit que le phénomène, s’il n’est pas récent, s’accélère. Et on en veut pour tangibles preuves les élections – je dis bien les élections ! – de vociférantes marionnettes au Brésil, en Russie, aux États-Unis. Des agités portés au pouvoir par des foules qu’ils materont bientôt, qu’ils matent déjà. Je parle de ces trois-là, mais les exemples pleuvent et il ne s’agirait pas d’oublier de balayer devant notre propre porte…
On aimerait ici pouvoir démonter les mécanismes qui font que des marionnettes se retrouvent au sommet d’États par la volonté du peuple. D’autres, bien mieux que nous ne pourrions espérer le faire, s’en sont chargés, s’en chargent, s’en chargeront. Je pense ici à Noam Chomsky, à Bertrand Russell, à Henry David Thoreau, à Edgar Morin, à Alain Badiou, à d’autres…

Tous, peu ou prou, ont suggéré le recours à la désobéissance civile non-violente pour reprendre le contrôle de nos vies.

En 1649, un homme d’à peine 19 ans, Étienne de la Boétie, dans un lumineux essai (Discours de la servitude volontaire), se pose la question de comment la liberté des peuples peut se retourner contre elle-même. Comment une liberté peut-elle s’aliéner ? 
L’une de ses idées-phares est que le renversement des régimes est essentiellement psychologique, que le peuple doit arrêter de se croire inférieur à son gouvernement. On est en 1649, je le répète.

Les régimes, pense-t-il, sont fondés sur la peur, laquelle sert à dissimuler l’absence de légitimité des gouvernants. Ainsi, le peuple s’auto-soumet aux pouvoirs en place, par simple habitude, par récurrence historique.

Étienne de la Boétie développe aussi – surtout – l’idée qu’il ne puisse y avoir d’oppression que volontaire…
Les peuples sont responsables, suppose-t-il, de leur mise sous tutelle.
Idée singulière qui précède en ayant certains atours celle de la sartrienne responsabilité.
Idée à laquelle il serait bon de se référer quand, d’aventure, on songe à penser …ou à voter. 

Non ?

Téléchargez ici gratuitement le texte de la Boétie.

Belle découverte à vous.

À bientôt ?

(Pour ce qui est de Chomsky, de Russell, de Thoreau, de Morin, de Badiou – tous ici nommés – n’hésitez pas à poser un commentaire sur ce blog qui, infiniment, en manque.



Vertes nuances…

Partages Posted on 18 juin 2019 15 h 27 min

Il y a des matins comme ça. On se lève raplapla, on ne sait pas pourquoi.

L’air du temps peut-être, se dit-on.

Il y a de plus en plus souvent de ces matins-là où on se pose la question de l’influence qu’à notre vieillissement sur notre capacité à saisir les moments positifs, les lueurs d’espoir pourrait-on dire. Ils sont, on en est sûr, en très nette régression. Ça nous fait quoi ? une ou deux fois par mois ? Trois à tout casser. On désespère un peu.

On sait que ce n’est pas seulement le temps qui passe qui nous met dans cet état-là. Ni seulement non plus le temps qu’il fait. Ni même la conjugaison des deux. Il y a autre chose. Et cette autre chose, c’est cette désespérance qu’on ressent à la lecture des journaux, à l’écoute de ceux qu’on appelle « parlés » à la radio.

Toujours les mêmes mauvaises nouvelles, me direz-vous.
Ce n’est pas tellement ça. Je ne vis pas à Disneyland.

C’est plutôt ce manque d’approfondissement des choses dans les sujets qu’on nous serine. On est résolument entrés dans l’information du constat. Quinze secondes pour nous dire quinze morts, cent morts. Quinze autres pour nous dire les circonstances dans lesquelles ces morts. Pas une seconde pour approfondir le pourquoi.
Le tant et le comment doivent nous suffire. C’est affligeant.

Alors, quand, l’autre matin, j’ai lu dans le quotidien qui a ma préférence un article étayé, documenté, argumenté sur cette chose qu’on appelle, si souvent à tort, l’écologie, la grisaille autour de moi s’est déchirée. Une lueur enfin. Un peu d’intelligence me murmurait que tout n’était pas perdu, filtré, cadenassé au pays de l’information.

Cet article éclairant, tout de suite, m’en est venue l’idée de vous le faire connaître et, j’espère, lire.

Le voici.

Belle lecture à vous !



Comme ça, mais pas sans importance…

Partages Posted on 13 avril 2019 20 h 23 min

Poème à mon frère blanc

Quand je suis né, j’étais noir;
Quand j’ai grandi, j’étais noir;
Quand je suis au soleil, je suis noir;
Quand je suis malade, je suis noir;
Quand je mourrai, je serai noir…

Tandis que toi homme blanc,

Quand tu es né, tu étais rose;
Quand tu as grandi, tu étais blanc;
Quand tu es au soleil, tu es rouge;
Quand tu as froid, tu es bleu;
Quand tu as peur, tu es vert;
Quand tu es malade, tu es jaune;
Quand tu mourras, tu seras gris…

Alors, de nous deux,
Qui est l’homme de couleur ?

Léoplod Sédar Senghor



Bonnes résolutions…

Partages Posted on 4 janvier 2019 10 h 48 min

Bien sûr on en fait ce qu’on veut des bonnes résolutions…

Faisons mine un court instant d’y croire.

Et parmi celles-ci, celle-là : ne plus laisser tant de semaines sans le moindre nouveau billet. Pari assez facile à tenir, il faut bien dire.

L’autre est d’un tout autre tonneau, mille fois plus importante, vitale même. Elle est tout entière contenue dans les vœux que vous adresse BaoBab et que vous découvrirez en cliquant sur le visuel ci-dessous. N’oubliez pas de brancher le son de votre ordinateur. Belle découverte à vous !


À tout bientôt.



Bonne rentrée à tous…

Partages Posted on 11 septembre 2018 13 h 52 min

…et no comment.

À tout bientôt ?



L’enfer, c’est les autres ?

Partages Posted on 2 juillet 2018 11 h 47 min

Toni Morrison.
Prix Pulitzer 1988
Prix Nobel de littérature 1993. (oui, oui, attribué à une femme, ça arrive parfois !)

L’origine des autres.

Une lecture décapante dont nos certitudes ne sortent pas intactes.
Il y a là, comme quelque chose de l’ordre d’une arme à sous-munitions, armes, on le sait, dont les dégâts ne sont pas à déplorer seulement sur les cibles initiales, mais aussi dans l’environnement plus ou moins large qui est le leur…
Pas question bien sûr, chez Toni Morrisson, d’armes autres que celles de l’intelligence, de la sagesse, de l’observation, de la sociologie, voire de la philosophie. La comparaison ne vaut que dans le fait que son essai « L’Origine des autres” n’a pas – et ce n’est pas si fréquents – pour unique cible les convaincus de ses propos, les intellos acquis, ceux qui sont déjà entrés dans les processus d’une pensée volontiers copernicienne qui nous fait prendre conscience que nous ne sommes pas le centre (si ce n’est de nos propres préoccupations) mais des satellites de ce nous imaginons le centre…

Je n’en dis pas davantage si ce n’est qu’à une heure où beaucoup trouvent qu’il y a trop d’étrangers, les mêmes oublient que nous sommes tous des étrangers et que l’invention de l’autre n’a pour seul but que nous faire croire que nous sommes supérieur, meilleur que lui…

Écriture simple, directe, parfois naïve même, j’ai extrait ceci de ce court ouvrage (une manière d’historiette) dont l’extrême lucidité ne laissera pas, on l’espère, intacts un certain nombre de préjugés qu’il dénonce après, seulement après, les avoirs étudiés et éclairés.

Je suis dans ma propriété – nouvellement acquise – près d’une rivière et je marche dans mon jardin lorsque j’aperçois une femme assise sur la digue, en bordure du jardin d’une voisine. Une canne à pêche fabriquée maison dessine un arc qui pénètre dans l’eau à quelque distance de sa main. Un sentiment d’hospitalité m’envahit. Je m’avance vers elle, je vais tout droit jusqu’à la clôture qui sépare ma maison de celle de la voisine et je remarque avec plaisir les vêtements qu’elle porte : des chaussures d’homme, un chapeau d’homme, un pull terne élimé par-dessus une longue robe noire. Cette femme est noire. Elle tourne la tête et me salue d’un sourire facile en me demandant ; «Comment ça va ?» Elle me dit son nom (Mère Quelque-Chose) et nous discutons un moment – quinze minute environ – de recettes de poisson, du temps qu’il fait et des enfants. Quand je lui demande si elle habite ici, elle répond que non. Elle habite dans un village tout proche, mais la propriétaire de la maison la laisse venir à cet endroit dès qu’elle a envie de pêcher, donc elle vient toutes les semaines, parfois plusieurs jours d’affilée quand c’est la saison de la perche ou du poisson-chat, et même sans cela, parce qu’elle aime bien aussi l’anguille et qu’il y en a tout le temps. Elle est spirituelle et pleine de cette sagesse que les vieilles femmes semblent toujours parfaitement maîtriser. Quand nous nous quittons, il est entendu qu’elle sera là le lendemain ou très peu de temps après, et que nous nous retrouverons. J’imagine d’autres conversations avec elle. Je vais l’inviter chez moi pour prendre un café, échanger des histoires, rire. Elle me rappelle quelqu’un, quelque chose. J’imagine une amitié, occasionnelle, facile, délicieuse.

Le lendemain, elle n’est pas là. Les jours suivants, elle n’est pas là non plus. Et tous les matins, je la cherche. L’été passe et je ne l’ai pas revue du tout. Finalement, j’aborde la voisine pour l’interroger sur cette femme et suis stupéfaite d’apprendre qu’elle ne sait pas de quoi ni de qui je parle. Aucune vieille femme n’a pêché assise sur son mur – jamais – et aucune n’a obtenu l’autorisation de le faire. J’en conclus que la pêcheuse m’a raconté des bobards sur cette autorisation et qu’elle a profité des fréquentes absences de la voisine pour braconner. Le fait de la présence de la voisine est bien la preuve que cette femme ne serait pas là. Au cours des mois suivants, je demande à beaucoup de monde s’ils connaissent Mère Quelque-Chose. Personne, pas même des gens qui vivent depuis soixante-dix ans dans les villages d’à-côté, n’a jamais entendu parler d’elle.

Je me suis sentie flouée, perplexe, mais aussi amusée, et je me demande de temps à autre si je n’ai pas rêvé cette femme. Dans tous les cas, me dis-je, c’était une rencontre qui n’avait qu’une valeur anecdotique. Tout de même. Peu à peu, ma stupéfaction première fait place à la contrariété, puis à l’amertume. Une certaine vue de mes fenêtre est désormais privée de cette visiteuse et me rappelle chaque matin sa tromperie et ma déception. Que faisait-elle dans ce quartier, d’ailleurs ? Elle ne conduisait pas, il lui fallait marcher six kilomètres si elle habitait vraiment là où elle disait habiter. Comment pourrait-on la manquer, sur la route, avec ce chapeau, ces affreuses chaussures ? J’essaie de comprendre l’immensité de mon dépit et pourquoi une femme à qui j’ai parlé quinze minutes me manque. Je n’aboutis à rien, si ce n’est à l’explication mesquine voulant qu’elle ait pénétré dans mon espace (à côté, en tout cas : à la limite de propriété, au bord, juste à la clôture, où se passent toujours les choses les plus intéressantes) et sous-entendu des promesses de camaraderie féminine, d’occasions pour moi d’être généreuse, d’être protégée et de protéger. À présent, elle a disparu, emportant avec elle ma bonne opinion de moi-même, ce qui, évidemment, est impardonnable. Et n’est-ce pas là le genre de chose que nous craignons que ne fassent les étrangers ? Déranger. Trahir. Prouver qu’ils ne sont pas comme nous ? Voilà pourquoi il est si difficile de savoir quoi faire avec eux. L’amour que les prophètes nous ont exhortés à offrir à l’étranger est le même amour que celui qu’a pu révéler Jean-Paul Sartre comme étant le mensonge même de l’Enfer. La fameuse réplique de Huis clos, «L’enfer, c’est les autres», soulève l’hypothèse que «les autres» sont responsables de la transformation d’un monde personnel en enfer public.

Toni Morrison.
L’origine des autres.

Christian Bourgois Éditeur
91 pages / 13 €

Bonne lecture !



Le Centre du Monde (6)

Partages Posted on 25 juin 2018 9 h 39 min

Sixième et dernier épisode En manque, aujourd’hui.
(patientez quelques secondes, le temps que le téléchargement se fasse…)

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Écoutez ou ré-écoutez les épisodes précédents inclus dans les billets ci-dessous…

À bientôt !



Le Centre du Monde (5)

Partages Posted on 24 juin 2018 6 h 59 min

Cinquième épisode Le septième ciel, aujourd’hui.
(patientez quelques secondes, le temps que le téléchargement se fasse…)

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Écoutez ou ré-écoutez les épisodes précédents inclus dans les billets ci-dessous…

À demain ?



Le Centre du Monde (4)

Partages Posted on 23 juin 2018 9 h 45 min

Quatrième épisode Rien à faire, aujourd’hui.
(patientez quelques secondes, le temps que le téléchargement se fasse…)

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Écoutez ou ré-écoutez les épisodes précédents inclus dans les billets ci-dessous…

À demain ?



Le Centre du Monde (3)

Partages Posted on 22 juin 2018 8 h 47 min

Troisième épisode Esprits sportifs, aujourd’hui.
(patientez quelques secondes, le temps que le téléchargement se fasse…)

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Écoutez ou ré-écoutez les épisodes précédents inclus dans les billets ci-dessous…

À demain ?



Le Centre du Monde (2)

Partages Posted on 21 juin 2018 11 h 38 min

Deuxième épisode Table rase, aujourd’hui.
(patientez quelques secondes, le temps que le téléchargement se fasse…)

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Écouter ou ré-écouter l’épisode 1

À demain ?



Le Centre du Monde (1)

Partages Posted on 20 juin 2018 10 h 52 min

20 juin. Journée Mondiale des Réfugiés.

Trump déchire les familles qui ont le grand tort à ses yeux de venir d’ailleurs et arrache les enfants à leurs parents. Belle humanité !

La France, cher “Pays des Droits de l’Homme” assiste sans réagir à l’ignoble refus du nouveau pouvoir italien de laisser aborder l’Aquarius et ses 630 migrants épuisés.

La France, cher Pays…, du haut de sa jupiterienne morgue, assiste sans ciller à l’humanitaire décision espagnole d’accueillir – en d’autres mots : de ne pas laisser périr – ces hommes et ces femmes qui, faut-il le rappeler ? ne sont rien de moins que des hommes et des femmes (et des enfants, me direz-vous…)

La France qui a largement les moyens de dire Venez, a surtout les moyens de fermer sa porte et de trouver bien de se référer à certain Casse-toi, pauvre con…

On pourrait égrener ainsi indéfiniment les cas où les pays riches – dirigés par des hommes riches – regardent de haut les pauvres des pays pauvres avant de leur ordonner de rejoindre leur niche ou de les y renvoyer manu militari.

20 juin. Journée Mondiale des Réfugiés.

Sur la pointe des pieds mais pas du bout des lèvres, Julien Cernobori, journaliste passé par Radio France, choisit de s’intéresser aux femmes et aux hommes (mais ce sont encore des enfants…) bien plus qu’aux Migrants. Et c’est en leur offrant une identité, en ne les amalgamant pas, en les interrogeant sur leurs buts, leurs rêves, leur désespérance aussi, qu’il touche au plus près leur profonde humanité teinte de désarroi.

Il a tiré de ces rencontres une série de six émissions qu’il a baptisée Le Centre du Monde.

“Ce sont des histoires que vous aurez peut-être l’impression d’avoir déjà entendues. C’est que rien ne change, ou si peu, pour les jeunes hommes et les jeunes femmes qui, même pas majeurs, quittent leur pays et prennent la dangereuse route vers l’Europe, dans l’espoir de s’y construire une vie digne.

A Pantin (Seine-Saint-Denis), depuis cet hiver, Médecins sans frontières (MSF) accueille ces jeunes migrants. Théoriquement, ils doivent être pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, mais certains ne sont pas reconnus comme mineurs, et sont alors voués à la rue et à l’errance. À ceux-là, Médecins sans frontières propose un accueil de jour, où ils peuvent se ressourcer, et bénéficier d’un accompagnement social.” (Kim Hullot-Guiot In Libération / 20 juin 2018)

( Dessins affichés au mur, au centre pour mineurs isolés de Pantin. Photo Philippe Brault)

Ces six émissions d’une durée chacune d’un petit quart d’heure, j’ai voulu vous les proposer.
Six émissions, six jours.
Premier épisode Plein la tête, aujourd’hui.
(patientez quelques secondes, le temps que le téléchargement se fasse…)

[mp3j track= »https://leblog.baobabcreation.be/wp-content/uploads/2018/06/Plein-la-tete.mp3″ title= »Plein la tête » fontsize= »20px » flip= »y »]

À suivre jour après jour. Bonne écoute ! À demain ?



Utopie roborative…

Partages Posted on 25 mai 2018 10 h 47 min

Je sors là d’une lecture des plus vivifiantes.

J’ai déjà évoqué ici-même dans les colonnes de ce modeste blog le lumineux travail du philosophe Alain Badiou. C’était à l’occasion de la sortie de son livre “Notre mal vient de plus loin”.

Dans “Éloge de la politique », entretien soutenu avec Aude Lancelin, Alain Badiou ne se lance pas, contrairement à ce que le titre pourrait laisser supposer, dans une béate apologie de la chose politique, que non ! Il tente, avec une lucidité qui contraste résolument avec la résignation ambiante, d’éclairer les conditions d’une voie alternative au capitalisme qui règne en maître et qui ne fait de l’humanité que du grain à moudre.
Une « deuxième voie » est possible, soutient-il; celle d’un nouveau communisme, maintenant que nous aurons tiré les leçons de l’échec retentissant des tentatives soviétique et chinoise.
Utopie ? Sans doute, mais l’Humanité n’a-t-elle pas toujours avancé par utopies ?
Et cette utopie pourrait-elle vraiment être plus indigne, plus « massacreuse », plus injuste que la société mondiale qui, jour après jour et quel que soit le pouvoir en place, ne fonctionne plus que sur des bases économiques et seulement au bénéfice des déjà scandaleusement riches ?
Loin de tout prosélytisme, animé seulement par l’envie de partager, je joins ci-dessous un bref extrait de cet ouvrage qui, malgré sa parfois sombre lucidité, se veut une réelle source d’espoir.

Bonne lecture !

Question :

Parmi les sujets politiques essentiels de notre temps, vous avez souvent dit que la question la plus fondamentale aujourd’hui, c’est celle de ce que vous appelez le « prolétariat nomade », la masse ouvrière immigrée que la mondialisation malheureuse charrie. Vous semblez considérer que c’est à partir de là, du sort à lui réserver, que s’organise aujourd’hui la division entre la politique réactive, réactionnaire si l’on préfère, et la politique émancipatrice. Est-ce que vous pouvez expliciter cette idée ?

La réponse d’Alain Badiou à lire au format .pdf
cliquer ici

Le document se téléchargera immédiatement. Il devrait arriver dans votre dossier « Téléchargements”…

À bientôt ?



Comme ça.

Partages Posted on 18 mai 2018 18 h 05 min


Faut-il en dire davantage ?



L’Histoire bégayerait-elle ?

Partages Posted on 6 mai 2018 12 h 03 min

Octobre 1983.

Il y a près de 35 ans, lassés d’être humiliés, considérés comme des citoyens de seconde zone, des sous-Français en quelque sorte, ils étaient 9 à entamer, entre les Minguettes (Vénissieux) et Paris, ce qu’il appelèrent la Marche pour l’égalité et contre le racisme et que les médias d’emblée baptisèrent Marche des Beurs. Une marche de près de deux mois (15 octobre-03 décembre) avec pour objectif de sensibiliser la France qu’on appelle profonde, mais aussi quelques grandes villes, à ce que vivaient ces Français issus de l’immigration.

Le 15 octobre, personne n’y croit sauf ces neuf-là.
Affronter les méfiances d’une France parfois carrément hostile, c’était prêter le flanc à de nouvelles humiliations voire à de réels dangers. Il fallait en avoir, comme on dit vulgairement. Ils en avaient.

Le petit groupe, au fil des étapes, grossit, se diversifie.
Peu à peu des Français (je n’écris pas ici les Français, c’eût été trop beau) le rejoignent, qui pour quelques kilomètres qui pour une étape entière, parfois pour beaucoup plus. Le mouvement, en tous cas, prend une ampleur telle que le gouvernement de l’époque, d’abord hostile, envoie sur la Marche Georgina Dufoix, alors Secrétaire d’État à la Famille, à la Population et aux Travailleurs immigrés, afin qu’elle joue le rôle de relais des Marcheurs auprès du Président de la République (François Mitterrand)…

On connaît la suite. L’arrivée quasi triomphale de la Marche à Paris où l’accueillent cent mille personnes (!) qui défilent en liesse à ses côtés. Une délégation rencontre François Mitterrand qui promet une carte de séjour et de travail valable pour dix ans, une loi contre les crimes racistes et un projet sur le vote des étrangers aux élections locales… Ce n’est pas suffisant, mais.

Une page d’Histoire, c’est évident.

Avril 2018.
Le 30.
Marche solidaire pour les Migrant.e.s

Elle a pris son départ à Vintimille et se terminera à Douvres (Angleterre) le 07 juillet.
Son but : que l’humanité (avec un « h » minuscule tant elle est l’affaire de tous) l’emporte sur la surenchère des égoïsmes, sensibiliser, informer, convaincre. Les Migrants ont à nous apprendre, à nous offrir, bien plus que ce qu’ils, selon d’aucuns, songeraient à nous voler. Nous avons les moyens de les accueillir, contrairement à ce qui nous est chaque jour asséné.
Il est grand temps de confier au cœur (et à la devise nationale Liberté, Égalité, Fraternité) le pouvoir qu’on offre aux calculettes !

La République se dit “en marche”.
Un Président ne cesse de le clamer.
C’est pour lui une doctrine dont il a chargé un parti de la répandre et de l’imposer.
Nous pouvons, face à ses banquières intransigeances, marcher nous aussi.

Rejoignons pour quelques kilomètres, pour une étape ou deux ou trois ou davantage la Marche solidaire pour les Migrant.e.s

On a décidé de marcher”, déclarait en 1983 une militante “Est-ce que c’est le bon choix ? On n’en sait rien. Mais, au moins, on aura essayé.

C’est de dignité qu’il s’agit. D’accueil et de tolérance. De Fraternité.

Informations en cliquant ici.

Et puis, ceci (une petite histoire pour tenter de résumer une bien vilaine histoire) :

[KGVID]https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2019/08/bonvoyage.mp4[/KGVID]

À bientôt ?



À quand sa mise à mort ?

Partages Posted on 16 avril 2018 10 h 37 min

Oui, il en est une dont on voudrait ardemment qu’elle soit définitivement mise à mort !
Et sans ménagement qui plus est.
Mise à mort pour délit d’inefficacité, mise à mort pour non respect de la dignité de ceux qui se sentent obligés d’en appliquer les principes, mise à mort pour barbarie, mise à mort pour délit de désespérance et d’inhumanité, mise à mort parce que jamais elle ne peut reconnaître ses erreurs…
Oui, il en est une qui mérite d’être mise à mort.
Et si les choses ne bougent en ce sens que lentement, force est de constater qu’elles bougent dans le bon sens.
Lentement elle montre des signes de fatigues. De plus en plus de pays ne lui font plus confiance. Et même si certains continuent de faire appel à elle, les paris sur son agonie n’ont aujourd’hui plus rien d’une utopie…

Découvrez le visage de cette traitresse à la mort de laquelle nous pourrons nous réjouir.

[KGVID]https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2019/08/Condamnations-à-mort-2017.mp4[/KGVID]

Téléchargez gratuitement ici le rapport 2017 d’Amnesty International sur la peine de mort.



On en est où de ça ?

Partages Posted on 4 avril 2018 15 h 14 min


28 août 1963

« Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour participer à ce que l’histoire appellera la plus grande démonstration pour la liberté dans les annales de notre nation.

Il y a un siècle de cela, un grand Américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre Proclamation d’Émancipation. Ce décret capital se dresse, comme un grand phare illuminant d’espérance les millions d’esclaves marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce décret est venu comme une aube joyeuse terminer la longue nuit de leur captivité.

Mais, cent ans plus tard, le Noir n’est toujours pas libre. Cent ans plus tard, la vie du Noir est encore terriblement handicapée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination. Cent ans plus tard, le Noir vit à l’écart sur son îlot de pauvreté au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle. Cent ans plus tard, le Noir languit encore dans les coins de la société américaine et se trouve exilé dans son propre pays.

C’est pourquoi nous sommes venus ici aujourd’hui dénoncer une condition humaine honteuse. En un certain sens, nous sommes venus dans notre capitale nationale pour encaisser un chèque. Quand les architectes de notre République ont magnifiquement rédigé notre Constitution de la Déclaration d’Indépendance, ils signaient un chèque dont tout Américain devait hériter. Ce chèque était une promesse qu’à tous les hommes, oui, aux Noirs comme aux Blancs, seraient garantis les droits inaliénables de la vie, de la liberté et de la quête du bonheur.

Il est évident aujourd’hui que l’Amérique a manqué à ses promesses à l’égard de ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple Noir un chèque en bois, qui est revenu avec l’inscription “ provisions insuffisantes ”. Mais nous refusons de croire qu’il n’y a pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance, en notre pays. Aussi, sommes-nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous donnera sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.

Nous sommes également venus en ce lieu sacrifié pour rappeler à l’Amérique les exigeantes urgences de l’heure présente. Ce n’est pas le moment de s’offrir le luxe de laisser tiédir notre ardeur ou de prendre les tranquillisants des demi-mesures. C’est l’heure de tenir les promesses de la démocratie. C’est l’heure d’émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale. C’est l’heure d’arracher notre nation des sables mouvant de l’injustice raciale et de l’établir sur le roc de la fraternité. C’est l’heure de faire de la justice une réalité pour tous les enfants de Dieu. Il serait fatal pour la nation de fermer les yeux sur l’urgence du moment. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité.

1963 n’est pas une fin, c’est un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de se défouler et qu’il se montrera désormais satisfait, auront un rude réveil, si la nation retourne à son train-train habituel.

Il n’y aura ni repos ni tranquillité en Amérique jusqu’à ce qu’on ait accordé au peuple Noir ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte ne cesseront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse.

Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui donne accès au palais de la justice : en procédant à la conquête de notre place légitime, nous ne devons pas nous rendre coupables d’agissements répréhensibles.

Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous devons toujours mener notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où la force de l’âme s’unit à la force physique.

Le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté noire ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Blancs, car beaucoup de nos frères blancs, leur présence ici aujourd’hui en est la preuve, ont compris que leur destinée est liée à la nôtre. L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée bi-raciale. Nous ne pouvons marcher tout seul au combat. Et au cours de notre progression il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière.

Il y a des gens qui demandent aux militants des Droits Civiques : “ Quand serez-vous enfin satisfaits ? ” Nous ne serons jamais satisfaits aussi longtemps que le Noir sera la victime d’indicibles horreurs de la brutalité policière. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos corps, lourds de la fatigue des voyages, ne trouveront pas un abri dans les motels des grandes routes ou les hôtels des villes.

Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d’aller d’un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos enfants, même devenus grands, ne seront pas traités en adultes et verront leur dignité bafouée par les panneaux “ Réservé aux Blancs ”. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps qu’un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu’un Noir de New-York croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits et ne le serons jamais, tant que le droit ne jaillira pas comme l’eau, et la justice comme un torrent intarissable.

Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduis ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine d’étroites cellules de prison. D’autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battus par les orages de la persécution et secoués par les bourrasques de la brutalité policière. Vous avez été les héros de la souffrance créatrice. Continuez à travailler avec la certitude que la souffrance imméritée vous sera rédemptrice.

Retournez dans le Mississippi, retournez en Alabama, retournez en Caroline du Sud, retournez en Georgie, retournez en Louisiane, retournez dans les taudis et les ghettos des villes du Nord, sachant que de quelque manière que ce soit cette situation peut et va changer. Ne croupissons pas dans la vallée du désespoir.

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ”.

Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Georgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.

Je rêve qu’un jour, même l’Etat du Mississippi, un Etat où brûlent les feux de l’injustice et de l’oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.

Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour, même en Alabama, avec ses abominables racistes, avec son gouverneur à la bouche pleine des mots “ opposition ” et “ annulation ” des lois fédérales, que là même en Alabama, un jour les petits garçons noirs et les petites filles blanches pourront se donner la main, comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour toute la vallée sera relevée, toute colline et toute montagne seront rabaissées, les endroits escarpés seront aplanis et les chemins tortueux redressés, la gloire du Seigneur sera révélée à tout être fait de chair.

Telle est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je retourne dans le Sud.

Avec cette foi, nous serons capables de distinguer dans la montagne du désespoir une pierre d’espérance. Avec cette foi, nous serons capables de transformer les discordes criardes de notre nation en une superbe symphonie de fraternité.

Avec cette foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de défendre la cause de la liberté ensemble, en sachant qu’un jour, nous serons libres. Ce sera le jour où tous les enfants de Dieu pourront chanter ces paroles qui auront alors un nouveau sens : “ Mon pays, c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante. Terre où sont morts mes pères, terre dont les pèlerins étaient fiers, que du flanc de chacune de tes montagnes, sonne la cloche de la liberté ! ” Et, si l’Amérique doit être une grande nation, que cela devienne vrai.

Que la cloche de la liberté sonne du haut des merveilleuses collines du New Hampshire !

Que la cloche de la liberté sonne du haut des montagnes grandioses de l’Etat de New-York !

Que la cloche de la liberté sonne du haut des sommets des Alleghanys de Pennsylvanie !

Que la cloche de la liberté sonne du haut des cimes neigeuses des montagnes rocheuses du Colorado !

Que la cloche de la liberté sonne depuis les pentes harmonieuses de la Californie !

Mais cela ne suffit pas.

Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Stone de Georgie !

Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Lookout du Tennessee !

Que la cloche de la liberté sonne du haut de chaque colline et de chaque butte du Mississippi ! Du flanc de chaque montagne, que sonne le cloche de la liberté !

Quand nous permettrons à la cloche de la liberté de sonner dans chaque village, dans chaque hameau, dans chaque ville et dans chaque Etat, nous pourrons fêter le jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les Juifs et les non-Juifs, les Protestants et les Catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles du vieux Negro Spiritual : “ Enfin libres, enfin libres, grâce en soit rendue au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres ! ”. »

Martin Luther King
(assassiné le 04 avril 1968)

On en est où de cette espoir là ?

De cette révolte-là ?

Vous trouvez que je n’ai rien à dire ?

Je le confesse.

La question est à ce point une réponse que je m’abstiens.

À bientôt ?



Dilemme et binarité

Partages Posted on 8 mars 2018 11 h 21 min

On se demande.

08 mars. Journée internationale des Droits des femmes.

On sursaute à l’idée que telle “initiative” puisse être encore à l’ordre du jour, tant il est vrai que ce qu’attendent les femmes (la plupart d’entre elles en tous cas), ce n’est pas un 8 mars une fois par an,
mais une véritable révolution sociétale qui les propulserait enfin à la place qui leur revient :
l’égale (à tout le moins) de l’homme.

Force est de constater aujourd’hui que la ronronnante Journée internationale des droits des femmes
ne fait rien d’autre que convaincre, au travers d’un cynique petit marketing de connivence,
les hommes de leur soi-disant supériorité.

On ne reviendra pas ici – par souci d’éviter les vaines arguties, les ratiocinations oiseuses – sur les thèmes qui seront évoqués en boucle aujourd’hui. On les connait et, s’ils sont totalement justifiés, il conviendrait qu’ils ne posent plus problème : qui donc niera le droit aux femmes d’être, à travail égal, rémunérées au même niveau que les hommes ?
Mais la conscience qu’on en a ne convainc pas une société résolument acquise à la cause du mâle dominant (sa violence, et la peur qu’elle suscite, y serait-elle pour quelque chose ?).
Les exemples de faux débats ne manqueront pas. Ils ne sont pas ici le sujet.

Il y a, par ailleurs, çà et là, quelques surréalistes luttes sémantiques qui masquent bien des désarrois
mais n’y apportent pas de solutions.
Et quand Patrimoine sera devenu Matrimoine (c’est un exemple !), ne nous leurrons pas, on n’aura bouleversé rien de la masculine domination. Elle est ailleurs que dans le choix des mots, même si elle y est aussi. On aura tout au plus ajouté un peu d’ironie et d’amertume à un combat qui mérite mieux que des effets de communication. Et la binarité homme/femme qu’on impose au débat débouche sur mille idiotes solutions qui consistent, pour la plupart, au ne pas vivre ensemble… Les endroits réservés aux femmes (comme s’ils n’existaient pas depuis longtemps déjà !) font florès, quand ils ne deviennent pas interdits aux hommes.
Et inversement.
L’homme et la femme ne parviendraient-ils à se concevoir (dans tous les sens du terme) que dans l’exclusion “l’un.e de l’autre”. (Surgit ici le fantôme lacanien du “Il n’y a pas de rapport sexuel”…)

Alors ? Pas de Journée internationale de la femme ?
Pas sûr.

Elle aura sans doute le mérite de mettre sous les projecteurs – une fois encore, mais avec quels résultats ? – les désastres des violences faites aux femmes.
(Le travail proposé depuis des mois par le quotidien Libération – à découvrir ici – est, à cet égard très éclairant).

Mais, au moment d’écrire ce billet qui n’a de prétention ni sociologique ni, plus simplement, journalistique, et qui n’est qu’une colère, on ne peut s’empêcher de réfléchir aux liens entre la volonté des hommes de soumettre la femme et sa récurrente violence.

Et si tout ne naissait que de ce rapport de force (au sens le plus animal) ?
On frémit ?
On frémit, oui.
D’autres se sont posés la question.

Il y aurait comme un continuum de violence qui expliquerait (sans les excuser !) à la fois les violences faites aux femmes et la volonté de certains hommes de dominer, quitte à détruire des ethnies, des populations entières.
Et on retrouverait serrés dans les griffes ceux et celles qui devraient l’être dans les bras. Les femmes. Les femmes et les enfants. Les femmes, les enfants et les civils de La Ghouta.

C’était mon dilemme au moment de commencer ce billet.
Parler des femmes ?
Parler des violences qui leur sont faites ?
Parler des hommes dont la violence semble, par-delà les cultures, les origines, faire continuum et dont les femmes sont souvent victimes ?

Les femmes.
Les civils.
Les enfants.
Victimes d’hommes en guerre.
Ç’aurait pu être le sujet de ce billet.

Là, je vous laisse une video réalisée par Amnesty.

Éclairante.

Mais, là aussi, il ne suffit pas d’être d’accord.

Il faut…

[KGVID]https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2019/08/les-civils-dans-les-conflits.mp4[/KGVID]

À bientôt ?



Une fable. Mais pas que.

Partages Posted on 27 février 2018 10 h 59 min

C’est sur l’adagietto, noté Sehr langsam, de la cinquième symphonie de Mahler que tout commence.
Vous savez, ce long mouvement qu’on croit inerte et qui pourtant sans cesse nous surprend, et à chaque écoute davantage. Il y a un peu de vent. Tiède, le vent. Il y a la matière d’un silence paisible à peine perturbé, jamais menaçant.
Oui, c’est sur ce mouvement-là.

On croit que rien ne peut arriver à l’abri de ce mouvement-là. Ou alors une recherche de beauté.
C’est immense, une recherche de beauté, vous ne trouvez pas ? C’est une quête à laquelle on voudrait consacrer une vie.

Le type à qui arrive ce qui arrive là, à l’abri de ce lent mouvement-là, il a la tête dans la lumière. C‘est ce qui fait qu’il croit rêver. En quelque sorte, il plane au-dessus des nuages. Il vole. Littéralement. Aucun bruit. Pas même le frottement de l’air. Pas de remous. Comme une sensation de harpe et de violons, c’est tout. La caresse vient de là.

Je disais qu’il vole. Mais non, c’est flotter, cette manière de n’avoir à faire aucun effort pour se sentir. Il flotte, c’est cela, oui. Dans l’air que la musique balaie devant lui pour que rien ne vienne le perturber.

Il croit rêver.

C’est parce qu’il ne regarde que le ciel au-dessus de lui ? Il s’en pose la question. Il n’a pas de réponse.
Il a fait un tel chemin couché sur le dos à regarder les nuages, les merveilleux nuages, comme disait le poète…
Il a fait un tel chemin sans vraiment regarder qu’il croit effectivement rêver.

Et la musique, soudain, sans prévenir s’arrête.
Et il cesse de flotter, le type.
Et quand on ne flotte pas, on coule, non ?
Alors, il coule et se débat. Et, se débattant, regarde, regarde soudain sous lui. regarde le point où sa perdition le mène. Le silence a fait place au raffut, la paisible lumière à la haine. Mahler a fait place au malheur.
Et le type s’écrase sur le dos au milieu des cadavres de La Goutha.
Trois mines éclatent.

Puis le silence.

Et dans le fond, le type croit entendre un peu de l’adagietto encore.
C‘est bien, il va pouvoir dormir.
Ce n’était qu’un cauchemar, pense-t-il.
Et la musique enfle à nouveau. Demain sera un autre jour.

Demain, s’il n’est pas mort indifférent, il lira, le type, des choses comme…
Peut-être qu’il agira ?





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Transmettre, retransmettre, relayer…

Partages Posted on 22 janvier 2018 17 h 26 min

Vous me direz que c’est bien peu de chose, je vous dirai oui, mais que si nous faisions tous l’un ou l’autre petit « bien peu de chose » dont nous sommes capables, il serait peut-être plus difficile de nous mener par le bout du nez et de mener en notre nom des politiques excluantes comme il s’en concocte outrageusement dans notre si généreux occident.

Il y a onze ans, pour la première fois, nous mettions en garde, au travers de notre TamTam, contre l’inacceptable dérive qui faisait que les pouvoirs en place de l’Europe nantie, plutôt que de faire honneur à des devises pourtant égalitaires et généreuses du type « Liberté, Égalité, Fraternité”, se drapaient un peu plus que volontiers dans un cynisme fait de sécuritarisme, de nationalisme et d’égoïsme de la pire espèce.

Aujourd’hui, les pays les plus riches (dont nous sommes) n’hésitent pas à voler leur pauvreté aux pauvres en assurant ne pas pouvoir les aider (assoyant ainsi un peu plus encore leur arrogante puissance).

On entend, répétée telle une antienne, la rocardienne sentence “La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde…” Hypocritement et à dessein on omet d’en citer la chute “…mais elle doit en prendre sa part.

D’érosion langagière en érosion langagière on a quitté la formidable fraternité de Victor Hugo (“La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ? Elle le doit !”), pour rejoindre les fades plages réservées aux nantis qui trouvent un peu dommage qu’on puisse leur demander d’un peu partager. La réponse est non !
L’Europe devient un vaste camp retranché qui se targue de ne vouloir pas se partager. Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées.

C’est dans ce contexte que Yann Moix vient d’adresser au Président de la République cette lettre ouverte que je veux ici relayer sans commentaire, comme le font de nombreux médias autrement mieux armés pour le faire que ce petit blog. Je sais gré à son signataire d’avoir enfreint les règles du silence subordonné et d’avoir hurlé comme il croyait devoir le faire sa révolte face à l’inhumanité et à l’hypocrisie.

Voici :

«Monsieur le Président, vous avez instauré à Calais un protocole de la bavure»

Monsieur le président de la République, chaque jour, vous humiliez la France en humiliant les exilés. Vous les nommez «migrants» : ce sont des exilés. La migration est un chiffre, l’exil est un destin. Réchappés du pire, ils représentent cet avenir que vous leur obstruez, ils incarnent cet espoir que vous leur refusez. C’est à leur sujet que je vous écris.

Vous avez affirmé, dans votre discours de Calais, que «ceux qui ont quelque chose à reprocher au gouvernement s’attaquent à sa politique, mais qu’ils ne s’attaquent pas à ses fonctionnaires.» Je ne m’en prendrai ici qu’à vous. Et à vous seul.

Je ne suis pas, comme vous dites, un «commentateur du verbe» : je suis un témoin de vos actes. Quant à votre verbe, il est creux, comme votre parole est fausse et votre discours, double.

J’affirme, M. le Président, que vous laissez perpétrer à Calais des actes criminels envers les exilés. Je l’ai vu et je l’ai filmé.

J’affirme, M. le Président, que des fonctionnaires de la République française frappent, gazent, caillassent, briment, humilient des adolescents, des jeunes femmes et des jeunes hommes dans la détresse et le dénuement. Je l’ai vu et je l’ai filmé.

J’affirme, M. le Président, que des exilés non seulement innocents, mais inoffensifs, subissent sur notre territoire des atteintes aux droits fondamentaux de la personne. Je l’ai vu et je l’ai filmé.

Vous menacez de saisir la justice si les «faits dénoncés» ne sont pas «avérés». Voici donc, monsieur le Président, les ­images des conséquences obscènes de ­votre politique.

Ces actes de barbarie, soit vous les ­connaissiez et vous êtes indigne de votre fonction ; soit vous les ignoriez et vous êtes indigne de votre fonction. Ces preuves, si vous les demandez, les voici ; si vous faites semblant de les demander, les voici quand même. Les Français constateront ce que vous commettez en leur nom.

«Je ne peux pas laisser accréditer l’idée que les forces de l’ordre exercent des violences physiques», avez-vous dit. Ajoutant : «Si cela est fait et prouvé, cela sera sanctionné». D’abord, vous menacez de procès en diffamation ceux qui démasquent ­votre politique ; ensuite, vous menacez de procédures de sanction ceux qui l’appliquent.

Journalistes, policiers : avec vous, tout le monde a tort à tour de rôle. Les uns d’avoir vu, les autres d’avoir fait. Tout le monde a tort sauf vous, qui êtes le seul à n’avoir rien vu et le seul à n’avoir rien fait. On attendait Bonaparte, arrive Tartuffe.

Soit les forces de l’ordre obéissent à des ­ordres précis, et vous êtes impardonnable ; soit les forces de l’ordre obéissent à des ­ordres imprécis, et vous êtes incompétent. Ou bien les directives sont données par vous, et vous nous trahissez ; ou bien les directives sont données par d’autres, et l’on vous trahit.

Quand un policier, individuellement, ­dépasse les bornes, on appelle cela une bavure. Quand des brigades entières, groupées, dépassent les bornes, on ­appelle cela un protocole. Vous avez ­instauré à Calais, monsieur le Président, un protocole de la bavure.

Quand une police agit aussi unie, pendant si longtemps, elle ne peut le faire sans se plier à un commandement. Est-ce bien vous, monsieur le Président, qui intimez aux policiers l’ordre de déclencher ces ­actions souillant la dignité de l’homme  ? Vous y avez répondu vous-même : «Dans la République, les fonctionnaires appliquent la politique du gouvernement.»

L’histoire a montré qu’on peut parfois ­reprocher à un policier de trop bien obéir. Mais elle a surtout montré qu’on doit ­toujours reprocher à un président de mal commander, précisément quand le respect humain est bafoué. En dénonçant les violences policières, en cherchant à savoir qui est le donneur de ces ordres, je ne fais que défendre la police, parce que lui ­donner de tels ordres, c’est justement ­porter atteinte à son honneur.

«La situation est ce qu’elle est par la brutalité du monde qui est le nôtre», dites-vous. Peut-on attendre, monsieur le Président, qu’une situation aussi complexe soit ­démêlée par une pensée aussi simpliste  ? Que des décisions si lourdes soient ­compatibles avec des propos si légers ? On attendait Bonaparte, arrive Lapalisse.

Serez-vous plus enclin à l’émotion qu’à la réflexion  ? Ecoutez la voix de ces jeunes qui, fuyant les assassins et la dictature, rançonnés puis suppliciés en Libye, traversent la Méditerranée sur des embarcations douteuses pour accoster, à bout de forces, dans une Europe que vous défendez par vos formules et qu’ils atteignent par leur courage.

Vous avez osé dire : «Notre honneur est d’aider sur le terrain celles et ceux qui ­apportent l’humanité durable dans la ­République.» Au vu de ce qui semblerait être votre ­conception de «l’humanité», les associations préfèrent l’aide que vous leur avez ­refusée à celle que vous leur promettez. A Calais, on vous trouve plus efficace dans la distribution des coups que dans la distribution des repas.

Ces associations, monsieur le Président, font non seulement le travail que vous ne faites pas, mais également le travail que vous défaites. Quant à votre promesse de prendre en charge la nourriture, elle n’est pas généreuse : elle est élémentaire. Vous nous vendez comme un progrès la fin d’une aberration.

La colonisation en Algérie, monsieur le Président, vous apparut un jour comme un «crime contre l’humanité». Ne prenez pas la peine de vous ­rendre si loin dans l’espace et dans le temps, quand d’autres atrocités sont commises ici et maintenant, sous votre présidence. Sous votre responsabilité.

Faites, monsieur le Président, avant que l’avenir n’ait honte de vous, ce qui est en votre pouvoir pour que plus un seul de ces jeunes qui ne possèdent rien d’autre que leur vie ne soit jamais plus violenté par la République sur le sol de la nation. Mettez un terme à l’ignominie. La décision est difficile à prendre  ? On ne vous demande pas tant d’être courageux, que de cesser d’être lâche.

Saccages d’abris, confiscations ­d’effets personnels, pulvérisation de sacs de couchages, entraves à l’aide humanitaire. Tel est le quotidien des exilés à Calais, monsieur le Président. Hélas, vous ne ­connaissez rien de Calais. Le Calais que vous avez visité mardi dernier n’existe pas : c’était un Calais pipé ; c’était ­un Calais imaginaire et vide ; c’était un ­Calais sans «migrants». Un Calais sur mesure, un Calais de carton-pâte. Le Calais que vous avez visité, monsieur le Président, ne se trouve pas à Calais.

Le Défenseur des droits a dénoncé, lui aussi, le «caractère exceptionnellement grave de la situation», qu’il n’hésite pas à décrire comme étant «de nature inédite dans l’histoire calaisienne». Une instance de la République, monsieur le Président, donne ainsi raison à ceux à qui vous donnez tort. Mais je vous sais capable de ne pas croire vos propres services, tant vous ­donnez si souvent l’impression de ne pas croire vos propres propos.

Comme on se demande à partir de combien de pierres commence un tas, je vous demande, monsieur le Président, à partir de combien de preuves commence un crime.

Je citerai enfin les conclusions de la «mission IGA-IGPN-IGGN relative à l’évaluation de l’action des forces de l’ordre à Calais et dans le Dunkerquois» d’octobre 2017 – mission qui dépend du ministère de l’Intérieur : «L’accumulation des témoignages écrits et oraux, bien que ne pouvant tenir lieu de preuves formelles, conduit à considérer comme plausibles des manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière, principalement à Calais. Ces manquements portent sur des faits de violences, sur un usage ­disproportionné des aérosols lacrymogènes, la ­destruction d’affaires appartenant aux ­migrants ainsi que le non-respect de l’obligation du matricule RIO [le référentiel des identités et de l’organisation].»

Permettez-moi, monsieur le Président, de traduire cette phrase dans un français non-policier : «Nous croulons sous les preuves de violences policières, notamment de gazages, mais nous refusons de les considérer comme des preuves au sens strict, car cela risquerait de froisser monsieur le ­ministre de l’Intérieur, qui serait obligé d’enquêter sur l’épidémie d’anonymat qui saisit ses troupes au moment de l’assaut contre les migrants.»

Vous dites : «Je ne peux laisser accréditer l’idée que les forces de l’ordre utilisent la violence.» Les violences vous dérangeraient-elles moins que le fait qu’on les laisse accréditer ?

A l’heure, monsieur le Président, où vous décrétez ce qui est, ou n’est pas, une «fake news», vous nous rappelez de manière ­salutaire que vous êtes prompt au mensonge éhonté. On attendait Bonaparte, ­arrive Pinocchio.

Je ne sais pas exactement de quoi vous êtes responsable ; je sais seulement en quoi vous êtes irresponsable. Le grand mérite de votre politique, c’est qu’on peut la voir à l’œil nu.

Surtout à Calais, où tout est fait pour ­rendre impossible aux exilés l’accès à l’Angleterre. Non seulement ils n’ont pas le droit de rester, mais ils n’ont pas la possibilité de partir. Que doivent-ils faire  ? Attendre qu’on leur brûle la rétine  ? Ou bien jouer leur destin en tentant la traversée  ?

Vous menacez en tout, monsieur le Président, des gens qui ne nous menacent en rien. Votre politique ne fait pas que trahir nos valeurs, elle les insulte. Les mesures antimigratoires sont toujours populaires. Mais voulant faire plaisir à la foule, vous trahissez le peuple.

Le préfet du Pas-de-Calais m’a appelé, ­furieux, osant se réclamer de Jean Moulin ; mais Jean Moulin s’est battu pour faire cesser la barbarie, non pour intimider ceux qui la dénoncent. Les exilés sont des victimes. Laissez les martyrs morts en paix ; cesse de faire la guerre aux martyrs vivants.

Jean Moulin fut supplicié pour une France qui accueille les hommes, pas pour une France qui les chasse. Dites à votre préfet que se réclamer d’un héros de la ­Résistance quand, dans sa sous-préfecture, Erythréens, Afghans et Soudanais sont harcelés, délogés, gazés nuit et jour, c’est prendre Jean Moulin en otage. Et c’est le trahir une deuxième fois.

Ce n’est plus vous qui êtes en marche, monsieur le Président, c’est la vérité. Vous pouvez porter plainte contre moi pour ­diffamation ; la postérité portera plainte ­contre vous pour infamie.

Yann Moix, écrivain”

À bientôt ?

PS.: Sur le même sujet ou périphérique, deux livraisons de TamTam :

TamTam 10 / Mars 2007

TamTam 43 / Septembre 2015



Croire à l’utopie et ne pas se leurrer…

Partages Posted on 3 janvier 2018 18 h 34 min

Sans se leurrer, mais sincèrement, nos vœux pour 2018 :


Et si tout ça pouvait ne pas être que souhaits, ce ne serait sans doute pas si mal que ça.

À bientôt ?



Sortir de la gangue

Partages Posted on 29 décembre 2017 17 h 40 min

Vu ceci.

C’est le travail d’une photographe. Suzanne Moxhay.

Comme une place que revendique la nature dans les territoires que se sont attribués ceux qui la torturent.
Ou alors (je préfère cet espoir-là) une revanche, un envahissement des lieux envahis par l’envahisseur…

Pas sûr de faire encore confiance aux hommes, les arbres, c’est autre chose.

On essaie.



Un peu d’air, de verdure et de lumière.
Histoire de ne pas laisser béton.



Un début d’intelligence ?

Partages Posted on 24 décembre 2017 15 h 17 min

Lu, ce matin, dans Libé, ceci. Sans commentaire.

Combien de temps vous faudra-t-il pour lire cet article ? Cinq minutes top chrono, une opération réalisée d’un trait ? Ou devrez-vous vous y reprendre à plusieurs fois, après des interruptions plus ou moins consenties ? On ne parle pas du bébé qui pleure ou du bus après lequel il faut courir, mais de petites choses bien plus sournoises : une notification Facebook parce que votre cousin a eu la bonne idée de vous taguer sur une photo après un week-end en famille ; un message WhatsApp de votre groupe de potes du lycée ; un récapitulatif des tweets marquants de la journée.

Cette liste, non exhaustive, appartient à ce phénomène que Tristan Harris, 33 ans, appelle «l’économie de l’attention» qui, d’après lui, «pirate nos esprits». Ce trentenaire californien sait de quoi il parle. Jusqu’en 2016, il travaillait chez Google, comme «philosophe produit». Concrètement, il contribuait à l’app Inbox, boîte mail censément intelligente de la firme de Mountain View. Un jour, Harris décide de faire part de ses interrogations à ses collègues. Il envoie à une dizaine d’entre eux un PowerPoint de 144 pages, baptisé «Appel pour minimiser les sources de distraction et respecter l’attention de nos utilisateurs». «Ma présentation est devenue virale, se souvient-il, attablé dans un café de Mission, le quartier bohème tendance de San Francisco, où on le retrouve une matinée de novembre. Le lendemain, je suis allé au boulot et j’ai vu qu’une centaine de personnes étaient en train de regarder le document partagé. Le jour d’après, elles étaient 300.» Le doc finit même par remonter jusqu’au patron, Larry Page. «Les gens étaient globalement d’accord avec ce que j’écrivais, raconte Harris. Ça leur rappelait le slogan originel de la boîte, don’t be evil [« ne soyez pas malveillant »]

Mais l’inertie est trop forte, et rien ne bouge. «Tu ne peux pas changer le système de l’intérieur, regrette-t-il. Ce modèle économique est hyperrentable et permet à tous ces ingénieurs informatiques d’envoyer leurs enfants à la fac et de se payer une maison à San Francisco.» Le jeune homme finit par démissionner et lancer son mouvement, Time Well Spent, que l’on peut traduire par «du temps bien utilisé». Il ne se rémunère pas et vit sur ses économies.

Depuis, il sillonne les Etats-Unis, de plateaux télé en conférences TED, en passant par des séances de lobbying auprès des acteurs du secteur, pour marteler son message : «Jamais dans l’histoire une poignée d’ingénieurs (principalement des hommes blancs, âgés de 25 à 35 ans, vivant à San Fransisco), travaillant pour trois entreprises (Google, Apple, Facebook) ont eu autant d’impact sur plus de deux milliards de personnes.» L’an passé, le magazine The Atlantic l’a baptisé«seule personne pouvant prétendre au titre de conscience de la Silicon Valley».

Son café à peine commandé, Harris sort son iPhone. Rituel répété à chaque rendez-vous, où il le met en mode «conduite» pour ne pas être dérangé par des alertes intempestives. Sans round d’observation, il se lance sur le ring. Fiévreux, passionné, il décrit le téléphone, ce petit diablotin qui suce votre temps de cerveau disponible, comme le bandit manchot du XXIe siècle : souvenez-vous de ce numéro de Lucky Luke où même la présidente de la ligue des femmes contre les jeux de hasard finit par devenir accro à la machine à sous… Pour l’ancien ingénieur informatique, le péril est grave. Avec des accents messianiques, il dit : «Ce n’est pas qu’une simple question d’addiction. Notre civilisation est en train de s’autodétruire, car cette technologie progresse plus vite que nous.» Aux Etats-Unis, les utilisateurs de téléphone vérifient leur appareil près de 150 fois par jour. Les tentations sont aussi nombreuses qu’il existe de réseaux sociaux : «YouTube sait de mieux en mieux prévoir quelle vidéo il doit lancer pour te garder devant l’écran, même si cela te prive de sommeil. Instagram excelle à te montrer quelque chose que tu serais en train de rater, ou quelqu’un dont tu devrais être jaloux.» Comme les machines à sous, les applications parviennent à entretenir la flamme, à coups d’abonnés gagnés sur Twitter ou de streaks (classement des relations) sur Snapchat. Parfaites pour l’ego, ces petites sucreries ne compensent pas de nombreux effets négatifs. «Plus tu es connecté, plus tu ressens d’anxiété, affirme Harris. Certaines applications indiquent par exemple qu’un message a été lu par son destinataire. Cela crée une sorte d’obligation à répondre rapidement, sinon tu passes pour un mauvais ami.» Autant de techniques qu’il a pu étudier lors de son passage au Persuasive Tech Lab de Stanford, la prestigieuse université de la Silicon Valley. Cet écosystème tire selon lui la société vers le bas. Exemple sur Facebook, avec le mot-clé «Trump» : «L’algorithme ne sait pas ce que ça veut dire, mais il se rend compte que quand il est présent, tout le monde partage le contenu. Cela crée une indignation perpétuelle qui met la démocratie en danger, parce que pendant ce temps-là, on ne réfléchit pas à ce qui compte vraiment pour nos sociétés, le changement climatique, le « vivre ensemble ».» Il ne dit pas pour qui va son vote, mais a été chamboulé par la campagne présidentielle de 2016 et la victoire du milliardaire républicain.

Le soldat Harris ne veut pas mener ce combat seul. Trop déséquilibré, «face à des centaines d’ingénieurs informatiques derrière leur écran» : «Ça serait comme se battre au couteau contre un sabre laser.» Harris regarde plutôt du côté de la Commission européenne et des gouvernements, dont il espère qu’ils pousseront bientôt les géants de la tech à «rendre des comptes, sur leurs profits, mais aussi sur la façon dont ils ont pu influencer des élections». En attendant, ce San-Franciscain pur jus, élevé par une mère travailleuse sociale, continue son entreprise de sensibilisation pour une technologie «éthique», à la manière d’un repenti. Chez lui, le déclic est notamment venu lors d’un passage au Burning Man, le festival artistique qui se tient chaque année dans le désert du Nevada : «Cela m’a montré à quel point ma façon de voir le monde était étriquée, à quel point l’industrie de la tech et le consumérisme restreignent nos choix.» Pendant neuf jours, c’était aussi la première fois qu’il se déconnectait totalement.

Aujourd’hui, ce célibataire vit en colocation à San Francisco, au milieu «d’entrepreneurs, de scientifiques, de musiciens». N’allez surtout pas y voir une résurgence hippie du Summer of Love. Harris n’est pas hostile à la technologie. Simplement, plutôt qu’un «Apple Store», il rêve d’un «Help Store», où les applications mettraient les gens en relation. Mais dans la vie réelle.

À bientôt ?



Article 30

Partages Posted on 2 décembre 2017 9 h 08 min


On peut télécharger ici l’intégralité du texte de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.



Article 29

Partages Posted on 30 novembre 2017 13 h 44 min


On peut télécharger ici l’intégralité du texte de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.



Et si c’était nous ?

Partages Posted on 18 novembre 2017 10 h 31 min

Oui, si c’était nous qui étions – happés qui par la misère qui par la guerre qui par l’intolérance mortifère d’une dictature – dans la situation où ils sont, eux qu’on appelle les migrants ? Comment nous en sortirions-nous face aux refus des gouvernements (et des peuples ?) de nous venir en aide ?

Le CNR (Collectif pour une Nation Refuge)* déploie actuellement une campagne qui nous interroge en ce sens et nous rappelle que ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’on quitte son pays, mais qu’on y est hélas souvent acculé. Et, fuyant l’horreur, on n’imagine pas que les bras ne s’ouvriront pas et que de notre présence une nouvelle détresse naîtra…

Le collectif vient de lancer un film (1min30), écrit et réalisé gracieusement par le réalisateur Matthieu Tribes et interprété par les comédiens Marina Fois et Mathieu Kassovitz. Découvrez-le ci-dessous.

[KGVID]https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2019/08/Refugiés-de-Matthieu-Tribes-.mp4[/KGVID]

* L’Union Européenne dépense beaucoup d’argent pour ne pas accueillir les réfugiés. 13 milliards d’euros depuis 2010. En 2017, le Collectif des Nations Refuges réunit les associations, les collectifs et les individus qui viennent en aide à tous ceux qui arrivent à passer nos frontières.



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