Contrechamp.

Cette sensation toujours
qu’une image manque.
Que regarde l’homme que je regarde ?
Quel champ
pour ce contrechamp-là ?
Je ne saurai pas.
Je dois m’en aller.


Puisque je vous le dis !

Elle s’adresse à une petite jeune (sa petite-fille ?).
Et c’est militaire.
Non mais !
Enfin, je dis ça,
mais je n’en sais rien,
je raconte.
C’est si facile d’inventer des mots
dont on ne sait rien
sur des images qu’on fait mine de créer.


Le monde.

Je me demande comment elle fait
pour ne pas voir que je la regarde.
L’obstination est ailleurs,
ne me regarde, ne me concerne pas.
Il y a peut-être la question du monde.
Comment se sent-elle dans le monde,
et puis, est-ce le sien ?
Et qu’est ce qu’un monde qu’on a ?
Musique, écouter de la musique,
pas pour réfléchir, pour oublier peut-être.
Elle s’enfonce dans un oubli
qu’elle juge nécessaire.
S’enf(o)uir.


Ailleurs, être ailleurs.

Elle vient de poser un corps
qu’on devine douloureux
sur un banc en métal. Rouge.
Elle regardera le ciel,
tout le temps que je la regarderai,
comme pour oublier le poids
de sa carcasse lasse
sur le banc en métal;
rouge, je l’ai dit.
Peut-être prie-t-elle ?
Ça ne me regarde pas.
Ou alors, cette sorte de désespoir muet
qu’on n’adresse qu’au virtuel allié qui,
puisqu’il ne peut s’agir d’un homme,
ne peut, pour elle, être que Dieu.


Ne me quitte pas.

C’est une sorte de petit prince octogénaire.
Il sort en folie d’une très improbable guimbarde parme nacré.
C’est une panique qui s’empare de lui
qui m’apparaît un vieil enfant gâté.
Les héros doivent mourir jeunes, sans quoi, c’est ça, c’est la panique
et cette immense part de désarroi. 
Peter Pan à 80 ans, mieux vaut ne pas y songer.
On pense à un Romeo que le poison n’aurait pas tué.
Depuis un demi-siècle, ou plus,
il appelle Juliette
qui, elle, est bel et bien suicidée…
Plus de 400 ans, que William nous dicte nos petites tragédies
parfois si grandes à nos yeux.


Méditer.

Sans doute parce qu’elle est noire,
j’ai pensé à la Méditerranée.
Aux migrants,
punis de mort pour avoir eu envie de respirer.
Ma bêtise est immense et conditionnée.
Les femmes noires aussi
peuvent avoir des chagrins d’amour,
des chagrins de rien,
des chagrins d’autre chose,
qui n’en finissent pas,
n’en finiront peut-être jamais.
Et alors elles pleurent…
peut-être aussi pour les assassinés
de la Méditerranée.


Parfois.

Parfois,
elle croit possibles
ces choses-là auxquelles il lui arrivait de rêver,
mais auxquelles elle ne croyait pas.
Ou seulement comme on croit à un espoir,
sans y croire vraiment.
Là, elle s’est posée.
Elle respire depuis une vingtaine de minutes. Lit un peu.
J’imagine que, peut-être,
elle s’offre un peu de bien,
et qu’elle songe déjà à refaire ça.
Elle se lèvera .
Se dira, rien que pour elle,
que c’était bien de se retrouver là avec soi.
Peut-être bien qu’elle reviendra.


Je me souviens.

Une fois encore,
je me rappelle
le très beau film de Kiarostami
“Où est la maison de mon ami ?”
Ça se passait ailleurs, en Iran.
Ailleurs, comme on dit
quand on veut dire que ce n’est pas ici.
Peut-être pas ici
qu’on trouve
la maison d’un ami.
Le doute est permis.
Et je comprends son inquiétude.
Elle m’a un petit peu souri.
Ce fut bref.


Et il ventait devant ma porte…