On aurait un avis sur ce qui est en train de se passer.
Une épidémie, tout ça.
Et cet avis, ben oui, serait celui-ci et peut-être celui-là.
Bien en place, comme il faut.

Il se trouve qu’on n’a pas d’avis
dès lors qu’un avis suppose, quoi qu’on en veuille, une opinion…

Mais non.
Non, bien évidemment.
On n’a pas d’avis.
Ou alors un doute.
Vous savez, cette manière qu’on a d’être triste à propos d’une chose.
Ou de pas grand chose.

On n’a pas d’avis sur la maladie.
Comment pourrait-on,
quand elle se répand,
et que, se répandant,
elle échappe à ce qu’elle est initialement
pour devenir un événement ?

On regarde autrement les épidémies.
Les épidémies sont, en quelque sorte, des maladies institutionnalisées.

Il y a quelque chose de l’ordre d’une crise,
d’une guerre à mener se dit-on et nous est-il dit.
On sait, mais on fait mine d’ignorer ce qu’on sait.
On sait qu’on ne mourra pas.
Mais on tremble et on a peur.
On sait que, oui, le virus est là.
On en parle, en en sue, on en parlera.

On sait surtout que, encore une fois,
le pouvoir nous dira qu’il a mis tout en place,
qu’on a toutes les bonnes raisons d’être rassurés,
qu’il a (ce fut difficile !) trouvé une solution,
et que tout, comme avant, pourra recommencer.
Et nous serons soulagés de retrouver notre vie d’avant.
Et on se dira que oui, que oui, que oui…

Mais on aura oublié peut-être ce que voulait dire “recommencer”.
S’offrir le même infini bordel d’une soumission obstinément acceptée, voire désirée,
parce que c’est bien quand même d’avoir la paix ?

Recommencer sans rien changer ?

Et je regarde, là, au moment où je tente d’écrire,
un peu de ce ciel dans lequel semblent flotter trois oiseaux.
Je sais que, pas très loin, mais trop, respire une femme que j’aime,
mais comment on fait pour le dire ? pour le savoir même.
On ne sait pas même à quoi peuvent servir nos révoltes.

Et pourtant, ce n’est pas rien.
Recommencer.
Me (se) dire qu’il va falloir, si on veut que tout change, changer.
Y compris ma (notre) perception du danger.
D’une épidémie.

Désobéir.
Même si c’est “très cher payer”.