…vient de plus loin



“Notre mal vient de plus loin

Penser les tueries du 13 novembre

C’est le titre que le philosophe Alain Badiou a donné au bref mais lumineux ouvrage qu’il a consacré à l’analyse sans concessions de ce qui peut nous avoir menés aux massacres que l’on sait, ceux du 13 novembre mais pas seulement.

Court extrait :

“… Et ceux qui sont dans des crispations identitaires sur la France, on voit bien ce qu’ils veulent. Finalement ils veulent, comme toujours dans les crispations identitaires, qu’on persécute les autres. Parce que c’est toujours ça l’identité, à la fin des fins, quand elle n’a pas de signification universelle comme l’avait la tradition révolutionnaire. Une identité qui n’a pas de signification universelle ne se définit que la persécution de ce qui n’est pas elle. Il n’y a pas d’autre moyen de lui donner un semblant de vie. Les gens qui disent « La France ! la France ! », mais qu’est-ce qu’ils font, eux, pour la France ? Eh bien, ils brament contre les Arabes, c’est tout. Et je ne pense pas que ce soit un service éminent rendu à la France. Ça n’honore pas particulièrement les Français. Cependant, ces valeureux « Français » sont moins de 3% à accepter de mourir pour la patrie.”

Est-ce à dire que Badiou trouve des excuses aux aveugles tueurs du Bataclan (et de bien d’autres ignominies) ? Non. À aucun moment. Il n’a de cesse, au contraire, de les renvoyer à l’horreur des expéditives exécutions qui leur servent d’exploits.
Mais, sans complaisance, il analyse aussi – parce que rien ne sert de condamner sans tenter de comprendre et que tenter de comprendre n’est pas, quoi qu’en disent certains, excuser – où mène l’arrogance occidentale qui se veut seul modèle et les dégâts qu’elle peut générer.
Sans espoir pour les générations à venir ? Que nenni ! Pour être lucide et incisif, le texte de Badiou (en fait, la retranscription d’une conférence donnée par lui le 23 novembre, 10 jours à peine après les tueries !) ne sombre pas pour autant dans un « aquoiboniste” fatalisme…

À lire. Parce qu’on a grand besoin de cette soixantaine de pages d’intelligence en mouvement.

Alain Badiou.
“Notre mal vient de plus loin. Penser les tueries du 13 novembre

FAYARD Ouvertures / 62 pages. 5€