C’est sur l’adagietto, noté Sehr langsam, de la cinquième symphonie de Mahler que tout commence.
Vous savez, ce long mouvement qu’on croit inerte et qui pourtant sans cesse nous surprend, et à chaque écoute davantage. Il y a un peu de vent. Tiède, le vent. Il y a la matière d’un silence paisible à peine perturbé, jamais menaçant.
Oui, c’est sur ce mouvement-là.

On croit que rien ne peut arriver à l’abri de ce mouvement-là. Ou alors une recherche de beauté.
C’est immense, une recherche de beauté, vous ne trouvez pas ? C’est une quête à laquelle on voudrait consacrer une vie.

Le type à qui arrive ce qui arrive là, à l’abri de ce lent mouvement-là, il a la tête dans la lumière. C‘est ce qui fait qu’il croit rêver. En quelque sorte, il plane au-dessus des nuages. Il vole. Littéralement. Aucun bruit. Pas même le frottement de l’air. Pas de remous. Comme une sensation de harpe et de violons, c’est tout. La caresse vient de là.

Je disais qu’il vole. Mais non, c’est flotter, cette manière de n’avoir à faire aucun effort pour se sentir. Il flotte, c’est cela, oui. Dans l’air que la musique balaie devant lui pour que rien ne vienne le perturber.

Il croit rêver.

C’est parce qu’il ne regarde que le ciel au-dessus de lui ? Il s’en pose la question. Il n’a pas de réponse.
Il a fait un tel chemin couché sur le dos à regarder les nuages, les merveilleux nuages, comme disait le poète…
Il a fait un tel chemin sans vraiment regarder qu’il croit effectivement rêver.

Et la musique, soudain, sans prévenir s’arrête.
Et il cesse de flotter, le type.
Et quand on ne flotte pas, on coule, non ?
Alors, il coule et se débat. Et, se débattant, regarde, regarde soudain sous lui. regarde le point où sa perdition le mène. Le silence a fait place au raffut, la paisible lumière à la haine. Mahler a fait place au malheur.
Et le type s’écrase sur le dos au milieu des cadavres de La Goutha.
Trois mines éclatent.

Puis le silence.

Et dans le fond, le type croit entendre un peu de l’adagietto encore.
C‘est bien, il va pouvoir dormir.
Ce n’était qu’un cauchemar, pense-t-il.
Et la musique enfle à nouveau. Demain sera un autre jour.

Demain, s’il n’est pas mort indifférent, il lira, le type, des choses comme…
Peut-être qu’il agira ?





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