J’écoutais, l’autre jour, cette voix venue d’on ne sait quel astre où ne vivrait aucun accident.

Je l’entendais chanter :

O Mensch ! Gib Acht !
Was spricht die tiefe Mitternacht ?

« Ich schlief, ich schlief —,
aus tiefem Traum bin ich erwacht : —
Die Welt ist tief, und tiefer als der Tag gedacht.
Tief ist ihr Weh —,
Lust — tiefer noch als Herzeleid.
Weh spricht : Vergeh !
Doch all’ Lust will Ewigkeit —,
— will tiefe, tiefe Ewigkeit ! »


Jessye Norman
(Photo : Anatol-Kottelaif)


«Ô homme prends garde !
Que dit minuit profond ?
J’ai dormi, j’ai dormi -,
D’un rêve profond je me suis éveillé : —
Le monde est profond,
Et plus profond que ne pensait le jour.
Profonde est sa douleur -,
La joie — plus profonde que l’affliction.
La douleur dit : Passe et finis !
Mais toute joie veut l’éternité —
— veut la profonde éternité ! »


C’était Jessye Norman, immense soprano (mezzo aussi) qui, au travers de la musique de Mahler me chuchotait – et de quelle somptueuse manière ! – le Chant de minuit, extrait de l’Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche, admirablement « mis en musique » par Gustav Mahler.

Et je me disais que, pas plus que de la lecture de Nietzsche, pas plus que de la tellurique musique de Mahler dans cette troisième symphonie, on ne sortirait indemne de l’interprétation (mais j’ai honte d’utiliser cet artificiel mot-là !) de Jessye Norman.

Parce que ce que chante Jessye Norman des œuvres qu’elle nous livre, ce sont les “dangereux peut-être”, comme aurait dit Nietzsche justement, jamais les certitudes – qui ne sont à tout casser qu’un besoin d’obéissance. Même si sa voix, sa puissance, son incroyable étalement de la respiration dans le temps en même temps que sa technique définitive, semblent nous dire que sa force ne naît pas d’un doute, mais d’un irréversible constat.

La voix, je n’en parle même pas (panne de superlatifs)… L’intelligence…

Mais je bavarde quand il faudrait se taire et écouter.

Deux propositions d’écoute, pour se souvenir (déjà !) des merveilles du doute Normanien, et de sa réticence aux certitudes.
(le temps de téléchargement dépend de votre connexion)


[mp3j track= »https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2019/10/Mahler-Das-Lied-Von-Der-Erde-Der-Einsame-Im-Herbst-Davis-Norman.mp3″ title= »Mahler » fontsize= »15px » flip= »y »]Gustav Mahler
Das Lied von der Erde (Der Einsame im Herbst)
Jessye Norman, soprano
London Symphony Orchestra
Sir Colin Davis, direction
(Philips 411 474-2)


[mp3j track= »https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2019/10/Strauss-Vier-Letzte-Lieder-3.-Beim-Schlafengehen-Masur-Norman.mp3″ title= »Strauss » fontsize= »15px » flip= »y »]Richard Strauss
Vier Letzte Lieder (3. Beim Schlafengehen)
Jessye Norman, soprano
Gewandhausorchester Leipzig
Kurt Masur, direction
(Philips 411 052-2)



À bientôt ?