Il y a chez moi, 
au troisième étage d’un immeuble décati, 
dans une petite alcôve qui fait nid,
chargée de livres, de plantes
et de vieux tissus africains, peut-être indiens,
un charpoy
un de ces petits lits en bois, de corde et de tissus réservés à la sieste
du côté de Srinagar, de Khapurtala, de Lahore.

Envahi de coussins curry, rose indien, aubergine, il attend.
Ou c’est comme si.

Je ne m’y étends, n’y sommeille jamais, ou alors…
Ça viendra. Peut-être. Je ne sais pas.
On n’est maître de rien.

J’y lis, certains soirs, assis,
des romans, des essais aussi, un peu de poésie
auxquels je demande de me poser des questions.

Dans le séjour dont l’alcôve semble être l’enfant,
coule de la musique,
du jazz le plus souvent – mais pas seulement –
Britten ou Bach, à tours de bras, 
l’un ou l’autre opéra, la radio.
Parfois des murmures,
des pleurs,
quelques mensonges,
adressés au temps qui s’effiloche.
Mais pas davantage.

À l’heure où j’écris, c’est Bill Evans, c’est bien.

Je me suis posé là ce soir, sur le Charpoy,
comme dans un pays jamais encore visité,
rentré de je ne sais quelle de ces fatigues 
qu’on s’impose pour se prouver un peu qu’on est là.
Y ai allongé mes jambes inutiles.
Dans un refus de m’endormir,
me suis murmuré
qu’on n’est pas aussi vieux,
qu’on l‘est bien plus qu’on le craindrait.
C’est leurre.

Il ne fait pas trop froid. C’est bien aussi.
J’ai vérifié.