À mi-chemin de notre perrosienne promenade, un poème, une voix, deux.




Je ne suis pas d’ici
Je ne suis pas de là.
Je suis de nulle part
Nulle part est partout
Voilà l’emmerdement
Voilà le canular
Un jeune homme de gauche
Me demande pourquoi
Je ne fais pas partie
De son parti nada
Un jeune homme de droite
Me demande pourquoi
Je ne fais pas partie
De son pareti gaga
Un jeune homme du centre
Me demande pourquoi
Je ne fais pas partie
De son parti sans ventre
Un jeune apolitique
Me demande pourquoi
Je fais d’la politique
Tout en n’en faisant pas
On me demande aussi
Beaucoup beaucoup de choses
Et je rentre chez moi
Farci d’effets sans causes
Et n’ayant dans le cœur
Et n’ayant dans le crâne
Et n’ayant dans ma vie
Qu’un grand cri pour personne.


Tout le monde écrit. Mais tout le monde n’est pas “écrivain”. Alors, une question : Qu’est-ce qu’un écrivain ? C’est un monsieur qui montre ce qu’il écrit. Vous écrivez une lettre. Vous l’envoyez à votre meilleur ami. Ou à votre maîtresse. Mais cette lettre vous paraît importante. Et vous ignorez si le meilleur ami – ou la maîtresse – sera de cet avis. Alors vous la recopiez, pour vous, c’est-à-dire pour les autres. C’est ainsi qu’on insulte à l’amitié, à l’amour. C’est ainsi qu’on finit par mourir de dégoût de soi-même. (On dit dégoût des autres.)


Et la peur et la sueur et ce corps qu’il faut atteindre, quelle machinerie. Nu, enfin, mais non, rien moins que nu, et la peau qu’en faites-vous, c’est maintenant qu’il faudrait, comment dit-on, ah il y a un mot très bien, mais difficile, desquamer, je crois, oui, desquamer, voilà, c’est maintenant qu’il faudrait desquamer. (Au fait, qu’ai-je fait de mon corps, moi, mais où est-il, quel salaud !) Et je vais le chercher, sous le lit, sous le fauteuil, pendant ce temps le peau repousse, tout est à refaire, et ainsi de suite.


Extraits de Papiers collés (2)
Éditions Gallimard – L’Imaginaire

On continue ?
À demain.