Petite suite à mon billet “À quel titre ?” du 05 août.




Préliminaire.

L’écriture me faisant défaut,
j’aborde celle que me propose la lumière,
la photo graphie.

Le propos n’est rien d’autre que de regarder,
à la recherche de l’humain.
Fût-ce dans ses failles.

Mais aussi, s’il en est, dans ses gloires
qu’on ne détecte le plus souvent qu’en creux.

Ces quelques photos,
je les ai accompagnées de mots,
de projections, de rêves.

Ni journaliste, ni sociologue, ni écrivain,
vaguement observateur un peu rêveur, rien de plus,
j’ai volontiers inventé;
au même titre que l’appareil qui prend les images
ne fait rien d’autre que les interpréter.

Tout ça s’est passé, se passe,
dans un îlot de la ville de Saint-Étienne.
Il y règne à la fois assez d’indifférence et de (parfois) tolérance
pour que ce petit travail ait pu voir le jour.
Il y plane aussi des douleurs, des passés,
comme partout ailleurs.
Mais sans doute un peu plus.

Tout cela est là, un peu sombre parfois.
Mais ce n’est rien d’autre qu’un regard qui, toujours, a eu peur de juger.

Il fonce vers moi,
des vindictes pleins les poumons, il éructe.
Il sort de je ne sais quelle colère pour entrer illico dans une autre,
et c’est pour ma pomme.

Ce n’est pas mon appareil photo qui l’agresse,
c’est quelque chose qui n’appartient à personne.

Du reste, l’appareil photo,
dès que je le sors de sa tanière,
a le don de le calmer.
Et la colère se fait théâtrale, presque lyrique.

Il ne m’interdit pas de le photographier.
Il est soumis à l’image et à l’intérêt qu’elle lui
accorde.


Et s’il n’en reste qu’un, ce sera celui-là.
Un facho de la vieille école, même pas dégrossi.
Fier de paraître indigne.
Avec un ego qui hurle le mépris.

Son grand plaisir à lui,
mais qu’il ne peut plus se permettre,
c’est le stand de tir,
cette sensation de pouvoir s’imposer aux autres.
Serait-ce par la force.
Quand on le lui signale, il dit qu’on n’a rien compris.

Déteste qu’on aide un sans-abri, un étranger n’en parlons pas,
mais apprécie qu’on lui file à lui cinq euros “pour ses clopes”.

En même temps,
comme un enfant qui cherche désespérément à se faire aimer.


La douleur.


Il vient d’arriver, de se poser là.
Il y a, quand il bouge,
des paquets de pardons qui s’agitent
auxquels on ne peut pas répondre.
Il se sait.
Il sait aussi la fragilité d’espérer.
Qu’importe, s’est-il peut-être dit.
Il cherche autre chose
que notre assentiment.

Il bouge un peu dans
l’élégance du silence.

On s’est regardés, très peu.
J’aurais aimé chanter.


Seul, assis devant un miroir, dos à la vie,
un homme très courageux,
tout en essayant de garder son self-control,
se regarde vieillir de
treize minutes quarante secondes cinq dixièmes…


Je me remémore très approximativement
ces mots d’Higelin (en 1969 je crois).

Treize minutes quarante secondes cinq dixièmes,
durée de vie, peut-être, d’un cigarillo
pour un fumeur qui compte le temps ?

Je le prends en photo.
Ne lui ai rien dit de ça.
Trop peur de le perturber dans sa méditation.








Voilà.
Ce sera tout pour aujourd’hui.


À bientôt ?