Le retour de Bertold…

On l’imagine Mère Courage
tirant derrière elle sa lourde carriole.
Et ce serait filmé,
façon réalisme socialiste,
par Vittorio de Sica
dans la foulée de son Voleur de bicyclette.
Je rêve.

Ou alors,
grande sorcière extravertie
dans le Dido & Aeneas de Purcell,
mis en scène par Bertold Brecht himself.
Noir-blanc misérabiliste en guenilles.
Ou par Chéreau.

Personne ici n’applaudit sur son passage.
Seul un blanc soleil d’automne en guise d’éclairage
la révèle à la discrète curiosité de l’objectif.
Ça suffira pour moi.


Faiblesse de l’ignorance

Ils sont là.
Une petite cinquantaine.
Des hommes, des femmes, quelques enfants.
Une colère appuyée de musique, de djembés.
Je les regarde.
Quelque chose bouge en moi
de l’ordre d’une tristesse
en même temps que d’une ivresse
quand il s’agit d’Afrique.

Ils sont là, m’est-il rapporté, pour soutenir
Ousmane Sonko,
emprisonné là-bas à Dakar
depuis la fin du mois de juillet.
Et en grève de la faim.
Son état est déclaré catastrophique
par son avocat français Juan Branco.

Coma, et caetera.


Ousmane Sonko,
dans la perspective de l’élection présidentielle
de février 2024,
est le principal opposant de Macky Sall,
actuel Président.

Là, je ne prends en photos
que des hommes, des femmes
qui tentent de vivre.
De clamer non, de clamer peut-être oui.

C’est leur énergie, leur abandon,
leurs éventuelles joies
qui me regardent.
Parce que je les vois ?

Mon ignorance, je la découvre.
Et ce n’est pas si facile que ça



Ça va aller, t’inquiète…

On n’est pas bien là ?

Ne crains rien.

Le type un peu comme-ci comme ça
qui braque son objectif sur toi
n’est pas de la police.
T’inquiète.

Je le connais,
Il est peut-être aussi stressé que toi.
Tu lui dirais d’aller faire ses photos ailleurs
que ça le chagrinerait, mais.

Le souci, c’est qu’il est déjà ailleurs.
Depuis longtemps peut-être.

On fait quoi ?