Passage aujourd’hui de Papiers collés (1) à Papiers collés (2).
Extraits toujours. Avec comme unique critère mon envie de partage.
Avec le respect surtout de ne rien couper d’une réflexion, d’une note, d’un constat.
Bonne découverte à vous.



J’ai remarqué que quand je me promène avec un homosexuel, je n’ose plus regarder les femmes, par crainte de l’indisposer.



La notion de liberté n’intervient qu’à partir d’un certain développement de l’esprit, comme si le malheur de se connaître limité n’était réservé qu’aux individus les plus doués pour l’évasion.



Les prix littéraires donnent un complexe de supériorité aux jurés et un complexe d’infériorité aux élus.



Je me suis fait une déraison.



Pour atteindre ce qu’on pense, il faut aller au-delà de nos limites. Le résultat, ce sont les limites elles-mêmes.



Tous les jours je me dis que ça va changer. Et tout les jours je me demande pourquoi ça changerait. Matins difficiles. Soirs possibles.



Je n’ai jamais rien fait que par plaisir. C’est assez dire que je n’ai pas fait grand-chose.



Il m’arrive de n’avoir rien à dire, mais jamais de ne pas avoir à écrire. C’est qu’écrire est gestuel, participe d’une possibilité assez rarement euphorique, mais, comme la marche, indispensable à qui s’y est une fois rendu sensible. C’est un sport, un exercice, au sens valérien. Quand je n’écris pas je grossis, comme l’athlète s’empâte dès qu’il relâche son effort quotidien. Et du même coup, s’enlève le plaisir ambigu de la compétition. Car nous sommes ainsi faits que ce que nous pouvons réaliser seuls finit par devenir un ratage complet. Imaginez un monsieur qui sauterait au-delà de deux mètres cinquante en hauteur, imaginez-le seul dans un endroit désert et sautant pour son plaisir. C’est inimaginable. Nous avons besoin de nous frotter aux autres, ne serait-ce que pour nous en plaindre. Quant à leur glorification elle doit être assez vite fastidieuse. Mais il est impossible d’éviter cela, et rien ne nous condamne autant, car nous sommes incapables d’une tendresse, d’une amitié, suivies. Aucun homme ne nous paraît susceptible de suffire à notre médiocrité comme à nos vertus. Et nous avons besoin d’autres êtres que nos amis pour nous définir dans l’absolu très provisoire qui caractérise nos vies. D’un ami, on attend des “critiques”, mais d’un ordre tout à fait secondaire. C’est la critique d’un inconnu qui nous touchera. Et l’ami n’aura plus lieu. L’appétit qu’on éprouve pour les autres hommes en mesure de nous dire quelle place on occupe dans leur espace mental ressemble à celui qui nous fait passer d’une femme à une autre, parce que l’amour installé fait long feu. Nous avons besoin d’être ressuscités, et qui nous aime est condamné d’avance. Nous voulons être aimés, mais pas toujours par le – ou la – même. Voilà ce qui rend nos vies difficiles. Comment sortir de là ?



Les acteurs, c’est comme le papier hygiénique, ça ne devrait servir qu’une fois.



Il collectionnait les mégots des gens célèbres.


Extraits de Papiers collés (2)
Éditions Gallimard – L’Imaginaire

Demain, on continue.
Pour les absents du week-end, séance de rattrapage lundi.
Belle journée à vous.
Et… à demain !