J’emprunte volontiers ici ce double titre plagié de deux essais retentissants de Roland Barthes.
(“Le bruissement de la langue”, d’une part, “Le degré zéro de l’écriture”, par ailleurs).
Mon emprunt s’arrête là et n’a valeur ni de comparaison ni de référence,
si ce n’est celles, exclusivement musicales de la langue.
Les mêmes mots donc, ou à peu près,
pour dire, dans des syntaxes différentes,
des choses que, pour sûr,
Roland Barthes aurait traitées avec un tout autre talent,
si tant est qu’elles eussent été dans le champ de ses préoccupations.

Aujourd’hui n’étant pas hier, ce ne fut pas le cas.

Je veux parler ici d’un essoufflement.
Un de ceux qui nous font oublier de nous révolter.

Hier encore, on serait descendu(s) dans la rue,
on se serait agité(s), on aurait donné de la voix,
on aurait défié quelques coups de matraques,
tout ça.
On aurait été des milliers à hurler notre indignation,
à hurler
et répéter encore et encore que
ça ne peut pas se passer comme ça !

Mais non.

Il y a une usure qui nous fait,
par épuisement sans doute,
par lassitude en tous cas,
parce que, aussi,
notre conscience n’est plus le nerf de la petite guerre que nous menons,
il y a cette usure donc,
qui nous a chloroformés de décisions venues d’ailleurs…


Il y a cette usure qui nous fait omettre de regarder autre chose
que nos doigts raidis sur nos azerty,
ailleurs
que dans les brumes de nos canapés,
ailleurs que dans les endormissements auxquels nous sommes
“pour notre bien” tous conviés.

Mais quoi ?
On ne réagit pas.
La presse en parle à peine.
Plus préoccupée de bla-bla que d’humanité.
Silence. Ou à peu près.

Naît une indifférence dont on connaît la creuse philosophie
et qui murmure sans jamais de cesse :
À quoi bon ?

Merde, merde, merde !

Pour info :

L’avocate turque Ebru Timtik
après 238 jours de grève de la faim
est morte dans les geôles turques
à 42 ans et 30 kilos.
Son dé
lit : être opposante au régime.
Les raisons (délirantes) de sa “condamnation” :

Appartenance à une organisation terroriste

Erdogan s’est levé tôt ce matin,
s’est rasé, a regardé sa montre.

A peut-être lu (re-lu ?) “La Fête au bouc
de Mario Vargas Llosa.
Soulagé
?
Pas de quoi.


Téléchargez gratuitement ici l’article de Valérie Manteau dans Libération du 04/09/20.