On continue. Avec application.
On continue, mais on sait que la fin est proche de ce petit trajet
fait en compagnie de, et les yeux rivés sur, Georges Perros.
Dès demain, je vous proposerai des textes plus circonstanciés,
plus attachés à certaines circonstances de la vie. Plus concrets donc.
Un Perros toujours aussi lucide, vinaigré parfois. Plus quotidien cependant.

Retour à mon silence.



Ce qui est horrible chez les hommes politiques comme chez les flics, c’est qu’ils donnent l’impression d’avoir été fait pour ça.



On est jeune. Puis on n’est plus rien. On traîne sa jeunesse jusqu’à la mort de l’homme qu’on est devenu et qui n’est bon qu’à mourir, avec ses médailles de bon citoyen sur la poitrine. Le langage devrait faire le gué, le guet.
L’art, c’est la mort du jeune homme.


D’abord le tableau noir. Puis la page blanche. Et après ?



Pour tirer d’un homme ce qu’il a d’humain, il faut attendre sa mort. S’il en reste.



La politique, ce devrait être résister à tout ce qui risque de dégrader l’homme dans son milieu intégral – mon voisin d’abord – sans référence aucune. Autrement dit, il est à peu près interdit d’en faire pour devenir député. Mais d’en vivre. De vivre cette résistance, oui. Avec les inconvénients qui s’ensuivent. Car les choses étant ce qu’elles sont, il faut une sacrée distraction pour ne pas se laisser aller à être pour quelqu’un – belle illusion – dans le cours d’une histoire sans lieu précis, mais provocante. Comment ne pas adhérer à un “parti”, hors tout romantisme, toute “belle âme” ? Difficile. Voire douloureux. Mais il faut tenir le coup, quand le cœur n’y est pas. On ne mérite peut-être pas la “politique”. Comme on ne mérite pas la psychanalyse, qui nous rend plus, ou autrement, intéressants que nous ne sommes. Si nous le sommes, ce ne peut être par ce biais.



La santé, c’est ce qui sert à ne pas mourir chaque fois qu’on est gravement malade.



Dans le train. En face de moi, un gosse. Il est plus emmerdant que tous les voyageurs réunis. Mais c’est un gosse. Sinistre, sachant, etc., comme à peu près tous les gosses. J’en fus un. J’en ai trois. J’en fréquente beaucoup. Mais il tout de même moins emmerdant, insupportable, que le type qui est à côté de moi, qui lit… je regarde quoi mais le titre du canard m’échappe – qui lit donc, quoi qu’il en soit de sa lecture, une ânerie, à ne voir que les illustrations. Le gosse mange un petit beurre Lu. Il me regarde, avec des yeux énormes, parce qu’il a des lunettes à verres grossissants. Je lui souris, il me tire la langue. Son grand-père ne voit rien, il lit Le Monde, avec un de ces airs d’en avoir plusieurs ! Nous sommes entre Redon et Vannes.



Souvent, le plus souvent, ce que j’écris n’aurait de sens que non publié. Nous voilà bien !


Extraits de Papiers collés (3)
Éditions Gallimard – L’Imaginaire

C’est tout pour aujourd’hui (première semaine de confinement presque bouclée)…

À demain ?