Tout,
c’est clair,
ne dépend jamais que du portrait qu’on veut faire
de celui-ci, de celui-là, ou de ce que.

La question, avant tout, serait de se demander
non pas qui est celui ou celle dont on veut faire le portrait,
non pas l’événement, le mouvement de pensée
dont on voudrait faire, d’une manière plus abstraite sans doute,
le portrait,
mais bien ce que suppose un portrait.
et, par-dessus tout, celui qu’on voudrait faire de, de ou de.

Car quoi, il y a mille manières de parler – d’écrire –
d’une seule et même chose,
même si une chose, dans la mesure de sa réalité,
ne peut avoir à ses yeux propres qu’une seule et même identité.

On entend, on voit même, beaucoup de choses,
contradictoires toujours, sensées rarement,
et qui semblent servir de vérité
qui aux politiques
qui aux journalistes
qui aux concierges
qui aux spécialistes de tous bords
quand il s’agit de commenter,
de décrire,
de faire le portrait de notre actualité.

Qu’est-ce donc qu’un portrait ?
Il a toujours été une interprétation.
Jusqu’à ce qu’une mode « hyperréaliste »
nous en vienne donner une définition
qu’elle annonçait définitive,
sous prétexte sans doute
qu’elle était livrée
pieds et poings liés
aux dogmes réalistes
de la photographie d’alors,
trop contente de s’emparer des thèmes
jusque-là « domaines réservés » de la peinture
(le portrait, la nature morte, le paysage…)

Je me limite ici à la réalité que j’appellerai “visuelle”
des choses auxquelles nous assistons ou participons,
mais il est patent que cette gentillette réflexion
pourrait s’élargir et concerner
d’autres secteurs de la perception,
de la pensée,
ou de la transmission par l’observation ou le savoir.

Mais je sens que je m’éloigne.
Je parlais de la subjectivité du portrait,
et, partant, voulais évoquer
le millefeuille contradictoire (forcément contradictoire)
que nous offre à voir l’information
à laquelle il est de plus en plus impossible de croire.
Comme un portrait de Dora Maar,
et qui donnerait à voir tout à la fois la face et un profil
(mais l’autre profil ? qu’en est-il ?),
l’information, voulant se nourrir de deux vérités
(la vitesse du temps et l’attrait de l’argent),
oublie – n’a plus le temps ? – de réfléchir,
à autre chose qu’aux évidences.

Peur, aussi sans doute, de s’emmêler les pinceaux.

Parce que l’information s’est faite religion,
et qu’à une religion il est dit qu’il faut croire ou ne pas croire,
il lui suffit d’asséner de l’information,
c’est-à dire, des réponses à des questions
qui ne sont que presque jamais celles que nous nous posons,
et sont chargées de nous communiquer
une « réalité » volontiers doctrinale.

Alors qu’elle devrait avant tout nous faire réfléchir,
nous poser question,
elle se contente de se réfléchir
et de ne se poser plus de question
que celle de son portrait dans le miroir
sonnant et trébuchant de sa survie…

Une amie me disait que, peut-être,
le salut ne résiderait pas
dans le statut d’une réponse
(information, religion, même combat),
mais dans l’aventure de questions
que nous pourrions poser
à l’information et à ses affirmations.
Elle me suggérait un monde où l’information
serait le devenir de philosophes.

Les philosophes auraient tout à y perdre,
mais nous, sans doute tout à y gagner.
Ne plus se contenter de constats bien cimentés,
mais nous alimenter de réflexion.
On peut rêver.
On peut aussi s’en poser la question.




À bientôt ?