JOUR 4

 

[mp3j track= »https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2020/04/Jeanne-Added.mp3″ title= »Jeanne Added & François Thuillier » fontsize= »15px » flip= »y »]

Quatrième jour. Ou alors il se trompe.
De confinement, de mise à l’abri, de liberté surveillée.
C’est comme vous voulez.
Tout ça ne veut rien dire d’autre qu’ennui.

Dans le quartier, un nouveau folklore embarrassant.
Des applaudissements. À heure fixe. Vingt.
On applaudit ceux qu’on n’a pas respectés depuis des ans et des ans.
Volp se trompe peut-être,
mais il aimerait révoquer cette évitable grégarité.
Une impudeur de Sauve qui peut, s’est-il hier soir murmuré.
Il n’est pas rare que Volp se trompe,
mais là, rien n’est moins sûr.

Par ailleurs, la musiquette prend un peu de chien.
Comme un côté perdu, désabusé.
Des prudences sans mouvements, et pourtant…
Jeanne Added et François Thuillier.
Comme si l’une (l’un) s’emparait du souffle de l’autre.
Et pourtant.

Volp écoute. Avec attention.
Embrocation de pois surgelés sur membre meurtri.
Un début de déhanchement même,
malgré la cheville pourrie.
Qu’est-ce qu‘on n’inventerait pas pour se sentir vivre.
Écouter. Regretter parfois de n’avoir pas entendu.
Lascivité perdue.
Comme une envie de.
Non Volp n’en parlera pas.

Ça se termine sur un essoufflement discret, si discret, du tuba.
Une apnée.
Crépusculaire.
Volp n’en revient pas.
Volp ne revient jamais de rien. Ni d’ailleurs.

Il est passé midi déjà.
L’heure a changé depuis le confinement.
Le temps désaccéléré.


Autre chose :
on ne va pas en faire plus longtemps mystère,
Volp écrit.
Depuis longtemps.
Des livres. Parce que pour lui, écrire, c’est des livres.
Il en écrit d’imaginaires jamais mis en chantier,
pas l’ombre d’un incipit même,
il en écrit de vrais qu’il parvient parfois à terminer.
Jamais trouvé le moindre éditeur pour autant.
L’un ou l’autre opus aurait, pense-t-il, valu le coup, mais non.

Ça ne va pas se vendre. Les temps sont durs
disent les éditeurs plus très entreprenants
à propos des temps qui les ont rendus si prudents.
C’est qu’il faut que ça se vende, les bavardages,
des fois que s’y trouverait une idée. Et que.

N’empêche, Volp continue.
Sans plus de rêve, ou alors un fifrelin,
sur son ordi comme il dit ou dans des carnets, à l’encre,
ça ne mange pas de pain, un fifrelin.
Il s’y remet de temps en temps,
un peu plus souvent que de temps en temps,
et il patafixe alors aux murs du séjour les pages dont il n’a pas honte.
Une manière comme une autre de s’encourager.

Mais le lendemain, déjà une nouvelle honte survient
et il rend aux murs leur initiale relative virginité,
le temps d’y en patafixer d’autres qui suivront très vite le même chemin.
Il aurait mieux valu en avoir honte d’emblée.
Se dit-il.
Mais c’est irrépressible.
Il tape, il relit, il colle ou punaise, il déchire. Et on reprend de zéro.

Ainsi va la vie de Volp, aspirant écrivain.
Chez lui, au troisième étage, c’est une caverne pleine de livres et de papiers jetés.
Il y a contagion.
Et de jazz aussi.
Et de musique en général.
Sauf militaire. Volp n’aime vraiment pas toutes ces choses qui.
Jamais été troufion.
On dira ce qu’on voudra mais, réformé, il l’a échappé belle.
Mélomane, jazzophile un peu éclairé,
et, par souci d’utopie, écrivaillon satellitaire,
pas vraiment le profil.
Disons comme ça, oui.

Le docteur Geldfeld, croisé l’autre soir, dit :
“Il est comme le petit garçon qui veut être routier
parce qu’il est né dans un nid de camions.
La question, dans les deux cas, de Volp ou du petit garçon, c’est l’ailleurs”.
Volp n’en a pas.
C’est du reste pour ça qu’il veut s’en inventer.
D’où le jazz.
Il a quarante-sept ans mais il fait mine d’ignorer
qu’à quarante-sept ans, on ne peut le plus souvent s’inventer
que ce qu’on connaît déjà. C’est ce qu’on dit en tous cas.
Les autres sont des aventuriers.

Vous trouvez ça triste ? Si vous saviez.
Tout ça, Volp sans doute, n’en doute pas,
mais il veut repousser les frontières et croire que, oui.
Ou que, non, parfois.
Là, il s’est imposé un défi. Un roman comique.
Le sujet central : la mort. Volp aime les contradictions.
Un peu trop parfois.
Pourtant, pour lui, tout ça est très logique.
Après avoir raté ses romans tristes sur la vie, quoi d’autre? 

Mais le temps passe.
Quand on a du temps, on le dépense vite.
C’est comme l’argent.
(Philosophie de bistrot, je vous avais prévenu).

Trois petites notes sur un improbable blog
et puis s’en vont.

Cuisine.
Et jazz.
Jazz et cuisine.
Ç’aurait été bien de faire un peu la fête,
inviter ceux qu’on n’invite pas. Ou alors jamais.

Là, ce sera Jazz.
Histoire de.
Un peu vénéneux, un chouya désappointé.
Tabac et quoi d’autre ?
Blessé.
Qui a dit « triste » ?
C’est 1939, c’est Berlin.
L’illusion de Berlin.

Ça fait mine de n’avoir peur de rien.
Mais comment ?


[mp3j track= »https://usercontent.one/wp/leblog.baobabcreation.fr/wp-content/uploads/2020/04/Rosemary-Standley.mp3″ title= »Rosemary Standley » fontsize= »15px » flip= »y »]


Jazz.
Et c’est Volp qui tente de respirer.
Le docteur Geldfeld, lui, aime beaucoup Arcangelo Corelli (1653-1713).
La Follia.
Il l’écoute un peu plus que souvent quand il est seul.
Il est toujours seul.
Et il se met parfois à danser.
C’est bien, La Follia.
C’est quand même un peu jazz, non ?
Volp pense que oui, c’est résolument.
Mais personne ne lui en a posé la question.
Alors voilà.


Mais ses choses préférées ?

Un épuisement peut-être.
Se demander.

À demain ?