Friedrich Nietzsche

Je me disais, à force de les entendre employés, de les voir écrits, de les utiliser parfois peut-être, que bien des mots cachent ce qu’ils ne s’avouent pas. Un peu comme la lumière qui, en photographie, peut se révéler noire. Étrange idée, se dit-on. On sait pourtant que nos idées même cachent des choses que nous n’avons pas toujours voulu y mettre. L’incompréhension, à laquelle – par faiblesse sans doute – si souvent on aspire est à ce prix. Qu’en est-il des zones sombres de certains mots (souvent devenus, dans le monde de la philosophie, des « concepts »), que cachent-ils, ces mots, de lumière ou d’inavouable ?

Petit début, aujourd’hui, d’une liste, égrenée au fil du temps, de mots chargés de nous faire réfléchir.

Aujourd’hui, éclairé par Friedrich Nietzsche* :


Fanatisme

Le fanatisme est l’unique force de volonté à laquelle puissent être amenés aussi les faibles et les incertains, en tant qu’il est une espèce d’hypnotisation de l’ensemble du système sensible intellectuel au profit de l’alimentation surabondante d’une unique manière de voir et de sentir qui domine désormais. Le chrétien l’appelle sa foi. Là où un homme parvient à la conviction fondamentale qu’on doit lui commander, il devient croyant. À l’inverse, on pourrait penser un plaisir et une force de l’autodétermination et une liberté de la volonté par lesquels un esprit congédie toute croyance, tout désir de certitude, entraîné qu’il est à se tenir sur des cordes et des possibilités légères et même à danser jusque sur les bords des abîmes. Un tel esprit serait l’esprit libre par excellence.


* In Le gai savoir (Die fröhliche Wissenschaft, la gaya scienza) (1882)


À bientôt ? Sans doute.