C’est une chose à la fois,
comme si on n’avait d’yeux qu’une cyclope loupe.

Nos aïeux disaient Chaque chose en son temps.
C’était un autre temps.

Ils estimaient,
pas nécessairement à tort sans doute,
que ce serait bien de respirer avant de scruter,
analyser,
commenter,
une à une,
les ombres et les lumières dont on serait, disons, témoins.
Et, pour cela, prendre son temps.
Celui de la réflexion.

Il se trouve qu’aujourd’hui la succession,
l’accélération asthmatique des “choses”
et de ce qui nous mange jour après jour,
et qu’on appelle “l’information”,
ne nous suggère – bien loin d’une réflexion –
qu’une apnée.
L’apnée du constat qui élimine toute éventualité de réflexion.
(“Je l’ai lu”. “Je l’ai vu”. “On dit que”.)

Et c’est une vision sans relief qui nous suggère d’être,
sinon aveugle, sinon cyclope,
au moins borgne.
Et qui nous dit
non plus de prendre notre temps,
mais d’oublier.
Qui nous dit qu’aujourd’hui, ce n’est plus les “migrants”,
qu’aujourd’hui, c’est l’écologie,
que demain ce sera un n’importe quoi d’autre
qui aura remplacé nos vraies angoisses sans rien en soulager,
mais au sein duquel il nous sera demandé de têter.
Quitte à en crever.

Les migrants,
l’écologie,
une économie qui ne soit pas dévolue à une croissance excluante,
qui regarde le ciel et se pose des questions…
c’est possible.

Sauf, sans doute, pour les ventres gras exonérés d’humanité.

On tentera de respirer.