Je me demande, quand vient l’été, pourquoi cette permanente confusion de la plage et de la page.
C’est l’heure, est-il dit, où les gens lisent. Ils en ont enfin le temps. Le temps de lire ce qui, eu égard à ce qu’ils lisent, ne leur prend, si on y pense (et qu’on lit un peu), que très peu de temps, un temps qu’ils auraient toute l’année, mais bon. Je dis ça, c’est comme si je ne disais rien.
Cet été, dès lors, je vous propose quelques brèves lectures.
Des récits, des contes, des nouvelles, c’est comme on voudra, issus tous d’un petit recueil de textes écrits au fil des ans et appuyés pour l’occasion par des illustrations originales de Gaëlle Boissonnard.
Ce petit recueil de treize textes s’intitule “Lettres de silence”.
Il suffit de lire pour savoir pourquoi…
Je les distillerai ici, sur ce blog, un à un, au cours de cet été.

Belle lecture à vous !



I. Le Lac


Il y a, loin d’ici, 
c’est en Mongolie intérieure je crois, 
peut-être ailleurs, en fait je ne sais pas,
un lac immense et noir. 
Une mer presque.
Tellement qu’il y nait parfois des débuts de marée.

Des hommes, 
mais surtout des femmes,
y viennent jeter le contenu 
de lourdes mannes en bambou tressé.

C’est de nuit, le plus souvent. 
Ça ne fait aucun bruit.
Ni platch ni plouf.

Ils jettent 
dans cette eau ténébreuse et mutique
qui s’ouvre comme un répit dans le creux des montagnes
leurs regrets, 
leurs remords, 
leurs tristesses, 
leurs désillusions.
Deux ou trois colères, semblerait-il, aussi.

Quelquefois un espoir surnage, 
et c’est une joie.

Alors, ces femmes, ces hommes, 
le repêchent, le dorlotent.
Chagrinés de l’avoir oublié.
Et font l’amour une dernière fois.

Il n’est pas rare, 
quand arrive cette ivresse-là, 
que, dans l’immense silence de la nuit,
s’aperçoivent des nuées de papillons,
pas toujours noirs.

Les enfants de ces unions ne naissent jamais.
Sans remords, sans regrets, sans tristesses, 
sans colères, sans désillusions, 
ils dorment.

Morts.