Il y a quelque chose de miraculeux dans les rêves d’enfants.

Et ce quelque chose de miraculeux tient principalement à leur temporalité en même temps qu’à leur splendide innocence.

Je rêve donc je suis
, pense l’enfant. Ou plutôt, Je rêve ce que je pourrais être. Ou, si je le rêve, ce que je rêve sera…

Personne ne nous dira jamais à quel point l’enfant n’est que peu dupe de ses propres rêves. Il y a chez lui sans doute un « rêver de » qui, volontiers, se confond à un « rêver à”. La distance entre les deux, il l’invente. Mince parfois, épaisse souvent. C’est son accès à l’humour.
Et, ce à quoi il rêve, il le sait confusément, n’est pas toujours ce dont il rêve. C’est un enfant, un être doué d’une intelligence (au sens de compréhension) qu’il perdra bientôt aux fins de devenir adulte. Faute de quoi, il sera ce qu’on appelle un demeuré, tant au sens littéral que littéraire du terme.

Il y a là-bas, aux États munis d’Amérique, un grand enfant, du style enfant gâté, vous voyez ? du style qui casse ses jouets parce qu’il sait très bien qu’on lui en offrira très vite de plus beaux, qui trépigne et hurle dès qu’on lui dit non, un de ces enfants qui aiment à arracher les ailes des papillons et à brûler les mouches, c’est tellement amusant. Les psys de toutes couleurs et de tous acabits nous ont appris à trouver ça normal. Il nous ont appris à être patients au moins jusqu’à ce que la puberté trouve une solution naturelle à ces cruels amusements.

Il y a donc, là-bas, un grand enfant attardé de soixante et onze ans qui continue de prendre ses rêves pour des réalités et d’arracher les ailes des papillons. Un de ces jouets préférés : interdire. Il croit dur comme fer qu’une chose interdite cesse d’exister. Pire, pour lui, interdire un mot revient à tuer ce que ce mot peut évoquer.
Ne dites plus « réchauffement climatique » et le réchauffement climatique ne sera plus qu’un leurre.

L’homme (?) est un obstiné. Il vient ainsi de décider que seraient interdits (Washington Post de ce 15 décembre) dans les rapports du CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) les sept mots ou groupes de mots suivants : « Fœtus », « transgenre », « diversité », « vulnérable », « prestation sociale », « fondé sur des données concrètes » et « fondé sur la science »

Les transgenres n’existeront plus puisqu’ils n’auront plus, au sens le plus littéral du terme, droit à la parole. Plus de diversité ! Plus de vulnérables, de prestations sociales,… Plus de références à la science.

La disparition du mot “fœtus” interroge.
Le faire disparaître est un avortement auquel sa maman n’a, de toute évidence, pas eu recours. Pas sûr que cette retenue fasse aujourd’hui le bonheur des transgenres, des vulnérables, de la science… ni de la planète qui – n’en déplaise à ce grand enfant gâté aux allures de pervers sexiste et d’inconscient patenté – bel et bien se réchauffe et pose problème à bien des fœtus (oups !) qui ne verront pas le jour, parce que prématurément assassinés.

Ne nous reste, face à l’ignominie, qu’à interdire le nom de ce 45ème Président des États-Unis. Peut-être cessera-t-il d’exister ?

Si seulement.