J’écris,
jour après jour, ou presque,
de ces mots
qui tombent
et font des ronds
dans les trous de la mémoire.
À quoi bon ?

Avant même d’être lus
– quand ils le sont, et la chose est suffisamment rare pour être relevée –
ils commencent de s’éroder,
s’oxydent, rouillent.
Comme si leur sens
avait besoin
d’être sans cesse
par la lecture
ravivés.

Et la mienne, de lecture,
même en boucles répétées,
ne suffit pas.
C‘est du carburant des autres que mes mots ont besoin.
De l’étonnement, de l’incompréhension parfois,
de l’irritation, de l’exaspération
des autres.
Peut-être les mots non consommés se consument-ils.
Je ne sais pas.
Je crois.

Illustration de mon amie Gaëlle Boissonnard, pour Le cahier rejeté par l’océan


Ce matin, au saut du lit, 
il s’en est trouvé une poignée qui s’ébrouaient.

Presque prêts à l’emploi, disponibles.

Passés au chinois de mes rêveries,
ça donnerait bien
quelques lyriques falbalas.
Me suis-je sans doute dit.

C’était sans compter avec le fond des choses qui,
quand il se contente de la forme,
vous fait errer sans fin à la recherche d’un sens.
Les mots ont horreur du vide.
Et me voilà pris de vertige à leur simple lecture.
Les mots se vengent quand ont veut leur faire dire n’importe quoi.
Pour faire la grève, ils font des phrases.
Sans crier gare.

Je me demandais donc :

Les mots qui flottent
dans les remous des ronds dans l’eau des phrases
sont-ils condamnés à se noyer ?

Tenter de répondre serait illusoire.

Un début d’autocritique peut-être aussi.