C’est Ferdinand Chabre.

Il est dans le quartier, se promène, un peu courbé.
C’est le printemps, bientôt l’été,
et c’est l’automne qui traîne partout où il va.

La pluie met à l’épreuve ses épaules et ses groles.
Il aurait dû prendre un parapluie, c’est vrai.
Seulement voilà, il n’en possède pas.
À mon âge, tout le monde a un parapluie, se dit-il.

Pas lui.
Il en conçoit un début de tristesse, mais n’exagérons pas.
Pas de tristesse, une déception, peut-être.
Ou alors le sentiment de l’échec de celui qui n’a pas pu s’en offrir un ?
Faute de moyens ?
Sans doute pas. Peut-être.
Il ne se souvient pas.

Il sait, Ferdinand Chabre, que tout ça est vain.
Mais on est toujours si proches de ce qui nous semble vain,
se dit-il in petto.

Philosophie à deux balles, 
murmure-t-il même,
car, comment penser vraiment à une chose 
quand c’est à autre chose qu’on désire penser,
qu’on est en train de penser ?
Même si on ne le désire pas vraiment.

Tout ça, dans la tête de Ferdinand Chabre, s’agite un peu.

D’autant que, sous la pluie…

Précipitations tout l’après-midi.
La météo avait averti.
D’où la question qu’il se pose prioritairement aujourd’hui :
De quoi l’homme doit-il être averti pour en valoir deux ?

La question se pose
au moment où le ver de la mort,
sans s’emballer encore,
mais possiblement quand même,
songe à lui proposer ses services.

Un homme averti, 
dès lors qu’il en vaudrait deux,
se sentirait moins seul,
se dit Chabre.
Ce serait ça de gagné.

Mais vient l’angoisse :
qui serait cet autre et de quoi serait-il chargé ?

À mon âge !

Et il choisit, Ferdinand Chabre
qui se promène sous la pluie dans le quartier,
de penser plutôt à ce fichu parapluie
qu’il n’a jamais acheté.