Ça devait être fin des années quatre-vingt,
début des années quatre-vingt-dix peut-être.
Et jusqu’aujourd’hui.

C’étaient des livres qui sentaient le bitume,
les gaz d’échappements,
et des pluies jamais maussades.
New-York, mais pas seulement.
Le hasard aussi, le cinéma, le rêve de s’envoler,
la clochardisation souvent,
mais pas seulement.

Il y avait parfois des personnages qui avaient des noms de couleurs.
C’étaient Monsieur Blanc, Monsieur Noir ou Monsieur Brun.
C’est à eux que je dois de t’avoir rencontré,
puis d’avoir voulu te connaître plus.

D’autres avaient des noms qui,
des années après les avoir découverts,
trimbalent encore leur extravagance en moi.
C’était Monsieur Ewing (dans Moon Palace si je me souviens bien),
C’était David Zimmer (dans Le livre des illusions),
Anna Blume, Sidney Orr, ces dizaines d’autres.
Tu t’y entendais.

J’arrête.
Ça part(ait) dans tous les sens,
c’était beau
comme l’Art Ensemble of Chicago.
Ça l’est encore.

Il y avait de la musique, des divines folies,
des parapluies déchirés sous des pluies torrentielles,
un homme en chaise qui hurlait dans Brooklyn,
un autre qui avait faim et perdait,
avalé par le plancher, le dernier œuf qui lui restait,
des fous, des espérants, des qui n’existent pas,
de la lumière parfois entre parenthèses,
la lumière scandaleuse d’un éclair dans un arbre,
une branche qui tombe et détruit un enfant,
des femmes regardées, regrettées,
parfois au hasard photographiées
par Auggie qui, au passage, te réserve tes Schimmelpenninck.

Et tout au long, depuis ces années,
jusqu’à ton presque ultime 4 3 2 1,
cette immense brique de mille pages,
il y a cette incapacité à nous laisser tomber.
Cette écriture si évidente, jamais pingre.
Cette manière de ne pas nous mépriser.
On s’est trouvés, à te lire, parfois assez intelligents.
Quel cadeau !

Au revoir, Mister Vertigo,
Tu nous as bien fait respirer.
Merci !