Il y eut, l’autre jour, ce tremblement amer.

Godard avait décidé de disparaître.
Suffocation.

Les mots manquaient.
Je n’ai posé alors sur ce blog qu’une photo volée à Libération.

Un peu de recul, aujourd’hui.
Dire quand même un peu.
Trois fois rien.

Dire.
Ceci.


JLG est mort donc. 
Personne ne semble savoir la perte que c’est.
J’exagère. 
Quelques-uns disent à quel point il nous manquera.

Ah bon ? 

Mais personne ne développe.
Personne n’explique ni en quoi ni pourquoi (pour quoi) il nous manquera.

JLG ne manquera jamais, 
n’a jamais manqué à personne !
Moins encore à ceux qui prétendent que.
N’aurait pas aimé ça d’ailleurs, j’imagine.

On s’en fout de ça !

Du reste, ne nous manquent jamais que les choses qu’on connaît !

Les transgressions, la plupart du temps,
on fait mine d’y adhérer,
mais sous la couette on mime.

Or, JLG…

Quand JLG est mort,
on a fait mine d’oublier
qui était Godard.
Quelques minutes, le temps d’en avoir l’air.
Ça nous faisait du bien sans doute.
Pour dire vrai,
on oubliait ce qu‘on ne connaissait pas.

On a regardé (sur Arte, bonne conscience oblige)
Pierrot le fou ou bien Vivre sa vie, je ne sais pas.
On a fait joliment semblant.

On a trouvé ça “pas si mal que ça finalement”.
Et puis : “On aurait dû aimer…”
Un regret. Une honte cachée.
Très momentanément.

Et puis, on a chassé de la chaussure le caillou.


Quand JLG est mort,
il y a eu pléthore de ceux 
qui se sont rappelé soudain l’avoir aimé 
sans jamais avoir vu le moindre de ses films.

De même, de son vivant, ils étaient pléthore
à l’avoir détesté sans jamais en avoir vu le moindre.

Jean-Luc Godard a étranglé le cinéma pour qu’il ne meure pas.
Il est allé lui foutre des poings sur la gueule pour qu’il se réveille.
Parce qu’il était un peu endormi, le cinéma, un peu plan plan.
Et à travers chacun de ses films, il s’est remis à respirer, le cinéma.

Godard lui a fait confiance,
même s’il savait qu’il fallait,
pour qu’il survive, le réinventer.

Il l’a réinventé. 
En guise de bouche à bouche,
il lui a raconté des histoires de cinéma
qui racontaient que le cinéma
n’était pas seulement le cinéma.
Vous suivez ?

Alors, quoi ? vous me dites.
Alors, rien d’autre que ça ?
Rien d’autre ?

Il n’y aurait rien d’autre que cette conversation 
entre Nana (Anna Karina) 
et le philosophe (Brice Parain, dans son propre rôle),
dans Vivre sa vie,
mais qui, d’une certaine manière, 
en ne faisant pas de cinéma,
nous a cueillis ?
Rien d’autre que “ça” ?
On ferait quoi s’il n’y avait rien d’autre que ça ?

Il n’y aurait que,
dans Éloge de l”amour,
rien d’autre que
cette importance du dialogue que je reproduis ici :
“Vous travaillez ?”,
“Oui, beaucoup.”, 
“La nuit aussi ?”,
“Surtout la nuit. Et la nuit dans le jour.” ?
Il n’y aurait rien d’autre que ça ?

Il n’y aurait même que ça,
on ferait quoi ?

Le texte dans le cinéma. 
Le cinéma qui n’oublie jamais le texte…
Qui le crée en même temps qu’il s’en nourrit.
Et qui, en même temps, 
explose d’images qui nous emmerdent, 
parce que la déshabitude toujours nous heurte.

Qui d’autre que Godard ?

Il n’y aurait que.

Mais sans doute appelle-t-on fatigue
ce besoin de cesser d’être curieux.
Auquel cas, oui, on peut oublier JLG.

JLG.

Il y fallait du culot.

Mais le culot n’est rien.
Sauf allié au génie.

Ce fut fait.



Merci !