Photo : Nona Faustine


C’est donc une femme.
Noire et escarpins blancs.
Qui marche, décidée.
C’est une fierté qui semble n’avoir pas de doutes.
Détail : elle est nue.
Une longue étole, c’est tout. Sur les épaules.
Autre détail : c’est dans une rue de New York.
Elle traverse la rue.
Rien d’autre que son trajet n’existe.
Callipyge noire aux blancs talons.

On se dit :
Dieu, qu’elle est belle ! Dieu, que c’est beau !
On voit le trajet, on voit le parcours.
En voit-on autre chose que la folle beauté ?

C’est une révolte.
C’est toujours à la fois beau et belle une révolte !
Il y aurait tant et tant à dire de l’esthétique des révoltes.
Ce n’est pas ici le sujet.
Ce sera pour une autre fois.

On en restera là de la description.
L’important ici est ailleurs.
Et il est important.

Nona Faustine est photographe.
Elle parcourt les États-Unis.
Elle s’y photographie, presque toujours nue.
Ah bon ?
Mais jamais n’importe où,
jamais n’importe comment,
jamais pour n’importe quoi.
Le hasard, ici, n’existe pas.
La sincérité ne connaît jamais de hasard
(ou alors, c’est tellement beau).

Elle affiche sa vérité
(qui n’est rien d’autre que celle qu’on n’entend pas),
celle des femmes,
celle des femmes noires,
celle sans doute aussi des hommes et des femmes,
blancs ou noirs,
qui veulent ouvrir les yeux.
Ici, c’est principalement celle de ceux
qui ont connu,
même de très loin (mais c’est toujours trop près),
la servitude des muscles
et d‘un droit qui n’aurait dû avoir aucun droit,
le code noir de l’esclavagisme.

Elle s’affiche nue,
et elle affirme
qu’elle n’a nul besoin
d’autre chose que ce qu’elle est
pour imposer aux hommes et au monde
sa réalité.


Nona Faustine est photographe.
Et pas des moindres.
Elle se photographie, nue le plus souvent donc,
dans des lieux emblématiques de l’ignominie raciste,
histoire, sans doute, de se montrer telle que nous sommes,
face au mensonge des discriminations.
Résistante.
Je suis telle, crie-t-elle.
Et sans doute aussi tant pis pour vous.

Ses « autoportraits »,
elle les fait dans ces lieux
qui n’en finiront jamais de respirer
les relents de la lutte des droits de ce qu’on appelle,
(parce qu’on est pauvres et un peu crétins,
et un peu dépourvus de langage, et un peu étriqués du ciboulot)
les noirs.

Noire, elle l’est, Nona Faustine.
On ne fera pas mine de ne pas le savoir.
Et, qu’on s’en fiche ou qu’on adore
on aura toujours tort.
Elle est cette femme qu’aucune autre femme
ne pourrait remplacer.
Son cri, sa détermination, en revanche…

Noire aux souliers blanc.
Deux blanches pour une noire.



On peut découvrir ou retrouver les photos de Nona Faustine dans le livre qui leur est consacré :
White Shoes” de Nona Faustine (Editions Mack, 117 pages)