Georges Perros.
Je continue de me taire.
Perros, c’est le moins qu’on puisse dire, est moins mutique.
On l’écoute ?



Il était d’une intelligence supérieure à sa moyenne.



Il faut se cacher pour écrire. Parce qu’écrire nous met à poil. À nu. Écrire n’est pas présentable. (Mais pour certains, c’est le contraire. Ils se mettent sur leur trente et un. Finissent généralement l’épée à la hanche.



À qui le Christ a-t-il pu dire : “Méfiez-vous des hommes” ?



On ne devrait lire un poème qu’en braille. Avec les doigts.



Racine est intraduisible parce qu’il a très peu de poésie dans son œuvre. Mais traduisez Sophocle, Shakespeare comme un cochon, il en restera toujours quelque chose. L’essentiel. Celui de tout homme vivant, quel qu’il soit, quoi qu’il dise ou fasse.



Évidemment, je suis bien d’accord – avec qui ? –, il vaudrait mieux s’abstenir. Ne plus lire les journaux, ne plus écouter la radio, ne plus regarder la télévision. Oui. Et ne s’en tenir qu’à la célébration de ce, de ceux qu’on aime – nombreux –, ou se taire. Oui. Mais il y a des tiraillements, des couleuvres qui ne passent pas, des indignations, des envies, d’obscurs goûts d’être au courant, rien moins qu’électrique. Alors on passe d’une petite colère à une autre, d’un coup de pied dans le derrière du néant à un autre au monsieur qui gnagnatise derrière un micro. Tenez, ce matin, j’ouvre le poste, comme on dit. Cette voix, suffisante, délavée, je la connais. Elle émet des sons. La voix déplore le gris de l’œuvre d’Henri Thomas. À se demander si son propriétaire ne confond pas avec la sienne. Alors ça y est. La colère. Je tourne le bouton comme si j’appuyais sur une gâchette. Mais à quoi bon tuer vraiment un cadavre ?



À quoi m’auront servi, me servent encore, tous ces livres, dont quelques-uns ne m’ont plus quitté depuis connaissance faite, sinon à vivre ? On dit beaucoup de mal de la littérature. C’est un dérisoire tour de passe-passe. Sans évoquer tous les hommes et femmes qu’il n’ont eu qu’une ambition, celle d’être publiés, et qui, dès lors qu’ils ne le sont pas, ne cessent plus de cracher dans leur première soupe – disons tête – Io Io ! L’amusant, ce serait plutôt ce constat : les publiés meurent – littéralement – encore plus vite que ceux qui ne le sont pas. Les bibliothèques sont pleines de morts. Que personne ne lit, ne lira plus. D’où le fait d’être publié n’est pas suffisant pour satisfaire cette fameuse ambition. Je peux bien dire, pour ma part, que je n’ai été publié que par hasard. Après quoi il faut bien se montrer. On vous convoque. Venez montrer votre poire. Si ladite poire déplaît, gare à vous. À moins d’avoir un génie qui ne peut que manifester celui de votre premier lecteur – la fameuse découverte ! – , vous aurez grand mal à faire accepter votre second livre. Accepté par qui ? Voilà le problème. Les comités de lecture, c’est le pouvoir de l’intellect à l’état pur.



Comment un homme pourrait-il en représenter des milliers ?



Pas mal, pas mal, ce que vous faites. Mais faudrait toute de même lire Marx un jour. Hein ! Puis il y a la linguistique. Tic tic. Faudrait tout de même en passer par là. Comme nous. Pourquoi ne vous emmerdez-vous pas la vie ? Comme nous. Tant pis pour vous.


Extraits de Papiers collés (3)
Éditions Gallimard – L’Imaginaire

À demain ?