Georges Perros. Réflexions, rêves, fatigues et aphorismes. Fin de la première semaine.



À table. On parle, à côté de moi, peinture, littérature. Conversation sans surprise, mais assez distinguée, entre gens cultivés et heureux de l’être. J’écoute. Pas trop cependant. J’ai peur qu’ils ne me mettent dans le coup. Car le plaisir c’est d’être en marge. Et seulement cela. Si j’ai à rentrer dans le circuit, ça ne m’intéresse plus du tout. Perd son charme humain.



En amour, tout s’annule au fur et à mesure. Tout est à refaire à chaque instant. Deux amants sont hors du temps. Suspension de l’horaire. La mort ne retrouvera nulle part ces heures qui lui furent signalées. Elle déménagera tout, mais en vain cherchera le temps d’amour, qui est son sosie.



L’obsession de la mort enlève la vie comme une lame de fond. Reste l’homme, qui attrape le torticolis de l’attente.



Pour vivre, il faut se pencher, s’appuyer sur une partie de ce qui nous traverse perpétuellement. Pourquoi ceci plutôt que cela ? Pourquoi ne pas être, et continuer à être bêtes, puisque, par moment, nous le sommes ? Nous donnons raison, c’est-à-dire nous souffrons ce qui nous paraît adéquat à notre nature, l’inconnue par excellence. Et qui finit par creuser une ornière dans ce chaos. Donc, finalement, je m’appellerai G.P. comme devant. Donc vivre est inutile puisqu’il s’agit de penser ce qui est trouvé.



Le maximum de simplicité va avec le maximum de difficulté quant à soi-même. Être simple n’est pas simple, voilà la gageure. Je n’ai pas rencontré d’individus simples. Et parmi les moins doués, ceux qui disent l’être.



Si l’on voyait Dieu, on ne serait pas plus avancé. L’homme, c’est expressément cette chose pas plus avancée par ceci que par cela.



Si quelque chose est fragile, c’est bien la raison pour laquelle nous restons vertueux, ou honnêtes. En fait, il n’y a pas de raison. Ce doit être pour ça.


Extraits de Papiers collés (1)
Éditions Gallimard – L’Imaginaire


Voilà pour cette moisson quotidienne.
À demain ?