Une question chaque jour pour tenter de comprendre,
puisque essayer de comprendre, 

c’est d’abord se poser des questions…


Jour 5 de l’après, donc.

On reprend une promenade entamée l’autre jour,
le premier jour de l’après.
Et la question est
Que sommes-nous devenus ?

Il a suffi de deux mois ou d’un seul,
de seulement quelques jours peut-être,
pour qu’on ne se ressemble plus.
Nos regards, par-dessus les masques, se sont embrumés.
De crainte, mais non, d’incompréhension.
Quand il y en a, on ne regarde plus le ciel.
Chance, de ciel, il n’y en a que peu, que pas.
Notre démarche même a changé.
On pose un pied devant l’autre comme si c’était une aventure
dont il faudrait au plus vite se sauver.

Oh, ce n’est pas si caricatural que je veux bien l’écrire, non,
mais c’est un petit peu ça.
On reste loin les uns des autres, on change de trottoir.
Ou on se détourne parce qu’on se dit que l’autre est peut-être.
Malade.

On pense encore, on réfléchit.
Mais de bric et de broc.
La grille de lecture est devenue celle de la maladie,
de l’après-maladie,
du confinement,
du déconfinement,
du possible re-confinement dont on nous menace si.
Tout nous ramène à.

Même l’Académie française.
Qui dit que Covid 19 est un féminin.
Tu m’étonnes.
Dans un monde d’hommes,
les désastres ont toujours été féminins.
La peste, la lèpre, la grippe, la tuberculose, la syphilis, etc.
Il n’y a que le sida.
Va savoir pourquoi.
Peut-être que le gang de vieux messieurs qu’on dit immortels
n’est pas aussi féministe qu’on aimerait.
Et que ceci expliquerait cela.
(Je rigole, je suis un peu comme ça, que voulez-vous).

Vous me direz que j’exagère.
C’est la société, pas moi, qui exagère.
On n’avance pas, là.

Je continue.

Je me demandais donc
Que sommes-nous devenus ?

Peut-être, tout simplement, avons-nous peur.


Faut dire qu’on a déployé une énergie folle,
des moyens pas possibles,
un pognon de dingues (je rigole encore…),
pour nous mener à en arriver là.
Toujours cette même volonté de nous domestiquer.

Illustration : Roland Topor


On accepte peu l’autonomie des serfs,
leur sauvagerie, n’en parlons pas.
C’est un si beau mot pourtant, sauvagerie.

Rêveur solitaire dans une triste ville,
mais ce serait pareil ailleurs,
je continue ma promenade.
Je me demande.
Qu’avons nous fait pour devenir ça ?

Parce que, oui, je découvre que je me sens coupable.
Comme tous les yeux baissés derrière leur masque.

Le nouveau monde, dans sa notice, inclura-t-il,
la possibilité de se révolter,
les besoins de résilience ?

C’est pas demain.
Ou alors, droit dans les yeux.


Ceci est le dernier billet de la chronique “Le jour d’après”.
D’autres chroniques viendront.
On est si seuls qu’on ne peut pas s’en empêcher.


À bientôt ?