Un conte bambara auquel je pense souvent.

Je vous le donne à lire.

Faites-en ce que vous voudrez. Mais pas mauvais usage. Merci

LES QUATRE JEUNES GENS ET LA FEMME

On raconte que jadis il y avait quatre jeunes gens. 
Il y avait aussi une femme.
Cette femme demeurait sur le versant d’une petite colline. 
Les quatre jeunes gens demeuraient sur une autre colline. 
Les jeunes gens s’occupaient à chasser des animaux sauvages.
La femme ne savait pas chasser, elle restait assise à ne rien faire, n’ayant rien à manger. 
Les jeunes gens chassaient les bêtes sauvages et se nourrisaient de leur chair.

Un d’eux dit : “Cet être là-bas qui nous ressemble, qui est-ce qui chasse pour lui, puisqu’il reste assis toute la journée ?

Un autre répondit : “Non, il ne nous ressemble pas; cet être ne peut, comme nous, chasser les animaux.

Le premier répliqua : “Il a comme nous des mains, des pieds et une tête; pourquoi ne pourrait-il aller comme nous à la chasse ?

Un autre dit : “Je vais aller vers lui pour voir quelle espèce de personne c’est.” 

Il la trouva toujours assise; il lui demanda : “Comment es-tu, toi ?” Elle répondit : “Je ne mange rien; je me nourris d’eau”. “Vrai ?” “Oui.

Il retourna vers ses compagnons et leur dit : “Cet être n’est pas de notre espèce; il est d’une tout autre espèce; c’est un être qui ne saurait aller à la chasse.

Ils lui demandèrent : “Comment est-il fait ?” “Il a comme nous des mains, des pieds et une tête; autrement il ne nous ressemble pas.” “Et du feu, en fait-il ?” “Non, il vit sans feu.” “Que mange-t-il ?”Il boit de l’eau; il ne mange absolument rien.

Les autres jeunes gens furent très étonnés : ils se couchèrent et s’endormirent.

Le lendemain, ils allèrent à la chasse et revinrent avec le gibier qu’ils avaient tué. Alors un des jeunes gens dit : “Camarades, je veux donner un morceau de viande à cette personne là-bas, pour voir si elle le mangera.

Ils y consentirent. Il coupa un morceau de viande, prit du feu, rassembla des crottes sèches et vint vers la femme; il fit du feu et y fit cuire sa viande, puis il lui en donna, en disant : “Prends et mange.” 
Elle prit la viande et la mangea. Le jeune homme la vit manger et fut tout étonné. Alors il lui donna un autre morceau de viande, en lui disant : “Prends et fais-le cuire toi-même.
Puis il retourna vers ses camarades et leur dit : “Cette personne a mangé ma viande, elle mange comme nous; mais elle n’est pas de la même espèce que nous, car elle ne peut pas tuer de gibier.

Cette femme était nue, les jeunes gens l’étaient aussi; mais ils se couvraient des peaux des animaux tués par eux quand elles étaient encore fraîches; ils ne savaient pas les tanner ni les conserver. Ils portaient leurs flèches fixées dans leur chevelure.

Le lendemain, le jeune homme retourna vers la femme et lui porta de la viande. Les autres lui dirent : “Si c’est toujours pour cette personne-là que tu tues du gibier, tu n’auras plus part à notre chasse.”

Quand la femme se fut rassasiée de viande, elle eut soif; alors elle prit de l’argile et en forma un petit vase; elle le déposa au soleil pour qu’il séchât, ensuite elle alla puiser de l’eau dans ce vase; mais il se fendit. Elle s’en étonna; puis elle alla boire comme toujours en se penchant sur l’eau.
Elle recommença à faire un vase d’argile, puis un autre, les fit sécher au soleil, rassembla des crottes sèches et fit un feu pour cuire ses vases; quand ils furent finis, elle alla puiser de l’eau et vit que, cette fois, l’eau ne les gâtait plus. Dans l’un, elle mit de l’eau et de la viande et plaça le tout sur le feu. Quand la viande fut cuite, elle la sortit du vase et la déposa sur une pierre plate, puis elle la mangea; mais elle laissa un morceau dans le vase.

L’homme arriva et lui apporta le gibier qu’il venait de tuer; elle lui dit : “Mange un peu de ceci, tu verras comme c’est bon.
Il mangea de sa viande, but du bouillon et en fut tout étonné. Puis il retourna vers ses camarades et leur dit : “Camarades, cette personne-là a façonné de l’argile; dans un de ses vases elle puise de l’eau, dans un autre elle cuit de la viande; goûtez donc la viande qu’elle fait cuire; certainement, cette personne-là n’est pas de la même espèce que nous.
Ils s’étonnèrent.

Un autre alla vers elle, la regarda, mangea de sa viande, but de son bouillon et fut fort étonné de voir les pots d’argile qu’elle avait façonnés. Il retourna vers ses camarades et leur dit : “C’est un être d’une autre espèce que nous.

Alors, le jeune homme qui, le premier, s’était occupé d’elle, resta avec cette femme et lui apporta chaque jour le gibier qu’il tuait; elle, à son tour, le lui préparait le mieux qu’elle pouvait. Les trois autres gens partirent et laissèrent leur camarade avec cette femme; ils vécurent tous les deux ensemble.